En bas, au bureau, il y a une genre de cafétéria. Officiellement ça s’appelle un resto, mais il y a juste des gens qui travaillent dans l’immeuble qui vont là. C’est comme un faux resto.
J’avais faim hier. Pis j’avais crissement le goût de chocolat. Ça fait que je me gâte, j’achète une Lindor. Je m’achète un sandwich aussi, faut bien que je mange quelque chose. Le resto est plein, il reste plus vraiment de tables. J’ai pas le goût de manger devant mon ordi.
Ça fait que je demande à une femme que je ne connais pas – jamais vue de ma vie, si je peux m’asseoir en face d’elle. Certainement qu’elle me dit. Semi sourire, retour au Ipod.
Elle finit de manger avant moi. Je la regarde pas vraiment. Tu sais, l’art du respect de la bulle de l’autre dans un espace restreint. Mais du coin de l’œil, je la vois en train d’ouvrir ma barre de chocolat. Je me retourne je lui fais des gros yeux. Mais je suis comme pétrifiée sur place, pas capable de dire quelque chose. J’en reviens juste pas. C’est là qu’elle se pogne un carré et qu’elle le mange en me dévisageant.
Non mais!
Vous avez pas idée comment je me mourrais de manger cette barre-là. Ostie de journée de marde. De sandwiche plate. De tellement d’anticipation à me dire oui mais pendant deux minutes, je vais pouvoir oublier tout ça.
Mais la grosse vache mange ma barre de chocolat.
À se reprend un autre carré. Et elle me sourit!
Dans ma tête ça a comme tilté. Mon bras lui a pitché un verre d'eau dans la face. J'ai pas eu le temps d'y penser. C'était déjà fait.
En voyant ça j’ai eu la présence d’esprit de sacrer le camp. Je suis partie le plus vite que j’ai pu pèse sur l’ascenseur envooooooye arrive! J’ai l’impression qu’elle me coure après avec des couteaux dans les yeux. Mais quand même, que je me dis, elle mangeait mon chocolat dans ma face sans se sentir mal qu’est-ce qui est pire? Ça ou un verre d'eau?
Si elle savait comment je voulais cette barre-là.
Envoye ostie d'ascenseur, arrive!
Il arrive je me garoche dedans j'appuie comme une déchainée sur le bouton qui ferme la porte, 15e. Ouf.
J'ai encore des sueurs froides quand j'arrive en haut. Je me sens conne aussi un peu. Mettons que j'ai peut-être surréagi.
Devant mon bureau je cherche mon lipsil dans mon sac. C’est comme un réflexe. Je me mets compulsivement du lipsil.
Qu’est-ce que je trouve pas dans ma saccoche...
Ah ben crisse.