Philosophie de sous-sol



Un jour j’étais jeune ça fait longtemps on avait accroché sur une expression je me rappelle plus d’où elle sortait, peut-être d’un plat de pâté chinois. C’est pas vraiment important de toute façon, l’origine des choses.

Mais c’était : « Quand y’en n’a pus, y’en a encore. »

On l’a tellement répété cette phrase-là. Vous avez pas idée.

Je savais pas dans le temps que ça allait me suivre toute ma vie. Que toute, dans la vie, c’est jamais vraiment fini.


Le 22 avril



By the way aujourd’hui c’est le Jour de la Terre. Oubliez pas de sauver un cup de plastique d’une fin atroce dans une décharge. C’est important. Ça permet de se sentir moins mal les autres jours de l’année.



Je pense que l’idée de frencher le petit hottie du bureau m’excitait plus que le hottie lui-même. 

Je sais pas si je vais lui dire.







Correria & Agwa



Quinze hommes musclés. Quasi tout le temps torse nu. Sur la scène.

Ils sont beaux en plus ils savent danser.

Ça m’a ramenée au Brésil. Aux garçons qui te prennent sans te demander ton avis, et qui te font onduler en plein milieu du carnaval de Rio. Aux garçons qui glissent leurs mains entre tes hanches et celles de ton copain, dès qu’il y a un pouce de libre. Aux garçons qui te parlent de leur femme, pendant qu’ils embrassent leur maîtresse dans ta face. Aux garçons qui sont plein de sel et de sable parce qu’ils sont toujours dans la mer. Aux garçons qui ont les yeux qui brillent quand ils te regardent parce que tu sais, ils aiment vraiment ça le sexe.

Il paraît que c’était des enfants des favelas. 

À la fin ils dansaient avec des colonnes de verres en plastique qu’ils ont lancées dans les airs. Les verres sont tombés comme des confettis géants et un peu plus tard, tout le monde a applaudi très fort.

Je suis sûre que même ceux qui étaient assis dans le fond, ils voyaient les six pack des danseurs.



Je suis retournée tu sais, au café où il travaille. Comme pas été capable de m’en empêcher. Je suis arrivée pas longtemps avant le close. Je le savais que ça fermait dans une demi-heure. Je commande une bière. On n’en sert plus après 15h qu’il me dit. Veux-tu un smoothie?

Je me suis assise au comptoir et j’ai regardé les clients passer. Quand c’était tranquille on se parlait un peu. De rien de spécial.

Ils ont fermé je suis resté là. Il passait un chiffon sur le comptoir. 

J’ai appris qu’il avait un chalet dans le bois.

Pis je l’ai trouvé juste encore plus parfait.

Fahrenheit 77



L’été j’aime ça parce que je peux sortir mes lunettes de pitoune.

L’hiver j’ai des bottes de salope que je mets des fois mais d’habitude je me pète la gueule à cause des talons.

Les lunettes, c’est moi dangereux et ça rocke plus.



On était assis sur le bord du canal. J’ai toujours rêvé d’aller frencher là. Nos vélos étaient pas loin, dans le gazon. Il était pas trop tard. L’heure où tu vois encore clair, mais le jour est fini. D’habitude c’est l’heure où ça commence à sentir le barbecue.

Nous on pitchait des roches dans l’eau. J’ai jamais été ben bonne pour faire faire des rebonds à mes roches. Je dois pas choisir les bonnes. Jamais compris le trip non plus. Mais ça hypnotise un peu pareil. Lancer une roche et regarder les cercles sur l’eau. Pis instinctivement, on arrête de parler quand on se concentre sur quelque chose de complètement inutile.

Des fois le silence, ça fait du bien en sacrament.

La Honte.



En bas, au bureau, il y a une genre de cafétéria. Officiellement ça s’appelle un resto, mais il y a juste des gens qui travaillent dans l’immeuble qui vont là. C’est comme un faux resto.

J’avais faim hier. Pis j’avais crissement le goût de chocolat. Ça fait que je me gâte, j’achète une Lindor. Je m’achète un sandwich aussi, faut bien que je mange quelque chose. Le resto est plein, il reste plus vraiment de tables. J’ai pas le goût de manger devant mon ordi. 

Ça fait que je demande à une femme que je ne connais pas – jamais vue de ma vie, si je peux m’asseoir en face d’elle. Certainement qu’elle me dit. Semi sourire, retour au Ipod.

Elle finit de manger avant moi. Je la regarde pas vraiment. Tu sais, l’art du respect de la bulle de l’autre dans un espace restreint. Mais du coin de l’œil, je la vois en train d’ouvrir ma barre de chocolat. Je me retourne je lui fais des gros yeux. Mais je suis comme pétrifiée sur place, pas capable de dire quelque chose. J’en reviens juste pas. C’est là qu’elle se pogne un carré et qu’elle le mange en me dévisageant. 

Non mais!

Vous avez pas idée comment je me mourrais de manger cette barre-là. Ostie de journée de marde. De sandwiche plate. De tellement d’anticipation à me dire oui mais pendant deux minutes, je vais pouvoir oublier tout ça.

Mais la grosse vache mange ma barre de chocolat.

À se reprend un autre carré. Et elle me sourit!

Dans ma tête ça a comme tilté. Mon bras lui a pitché un verre d'eau dans la face. J'ai pas eu le temps d'y penser. C'était déjà fait.

En voyant ça j’ai eu la présence d’esprit de sacrer le camp. Je suis partie le plus vite que j’ai pu pèse sur l’ascenseur envooooooye arrive! J’ai l’impression qu’elle me coure après avec des couteaux dans les yeux. Mais quand même, que je me dis, elle mangeait mon chocolat dans ma face sans se sentir mal qu’est-ce qui est pire? Ça ou un verre d'eau?

Si elle savait comment je voulais cette barre-là.

Envoye ostie d'ascenseur, arrive!

Il arrive je me garoche dedans j'appuie comme une déchainée sur le bouton qui ferme la porte, 15e. Ouf. 

J'ai encore des sueurs froides quand j'arrive en haut. Je me sens conne aussi un peu. Mettons que j'ai peut-être surréagi.

Devant mon bureau je cherche mon lipsil dans mon sac. C’est comme un réflexe. Je me mets compulsivement du lipsil.

Qu’est-ce que je trouve pas dans ma saccoche...

Ah ben crisse.