La ville qui fond parce que l’hiver est mort




J’aime ça marcher dans les rues vides.

Me réveiller ailleurs, la tête à l’envers, et marcher.

Tout était fermé on aurait dit qu’un ouragan venait de passer. Il faisait printemps en plus. Je sais pas je suis où d’habitude, les premiers de l’an. Probablement trop maganée pour être dehors et réaliser que je suis la seule.

Je suis passée devant la banquise. Seul truc ouvert à des milles à la ronde. J’avais le ventre qui criait scrap. J’ai décidé d’en prendre une take out. T’as l’air un peu folle anyway, te taper une heure de file pour manger une poutine toute seule à dix heures du matin.

Faque je l’ai mangée dans le parc Lafontaine. Il y avait moi, sur un banc mouillé. Et des parents qui regardaient leurs enfants glisser. Il y a ben juste les parents qui ont assez d’énergie pour jouer le lendemain de la veille. La poutine est devenue froide avant que je la finisse; j’en avais eu assez, de toute façon.

Je savais pas où aller fêter. J’ai suivi des amis je me suis retrouvée dans un house party plein d’enfants avec des jeans serrés. Ça parlait anglais. Ça parlait allemand. Ça parlait espagnol. Ça parlait aussi peut-être d’autres langues que je connais pas. Ça frenchait partout. Comme un voyage dans le temps et dans l’espace.

McGill? Que j’ai demandé à la ronde.

Personne a répondu.

J’ai bu.

Quand ils ont commencé à crier 5-4-3-2-1 le gars à côté de moi m’a attrapée pour m’embrasser. Tiens, on échange de la salive. J’avais pas encore eu le temps de voir c’était qui.

Il a repris son souffle pour popper le champagne; j’avais pas l’air de faire du détournement de mineur. Il était cute. Une barbe de quelques jours. Pourquoi pas. C’est le jour de l’an.

Un gars s’est fait frapper par un autre, je sais pas pourquoi. Ça a créé une mini commotion. Est-ce qu’on appelle l’ambulance? Il saignait pas tant que ça.

Toi tu viens d’où? Heu, d’ici. Toi? De Bulgarie. Ah. Comment tu t’appelles? Tout le monde m’appelle Tod. C’est pas un drôle de nom pour un Bulgare? C’est Todor mon nom. Ok. 

Il m’a pas demandé le mien. Peut-être que je m’en serais inventé un. Olga. En fait je viens de Biélorussie. T’es pas blonde. Non c’est pour ça que je suis partie. 

Il parlait russe. Fuck j’étais bustée. Est-ce qu’ils parlent russe, en Biélorussie?

Il a continué de m’embrasser. 

J’ai du le suivre chez lui.

Il s’est assis sur son lit et il a commencé à gratter sa guitare. J’ai trouvé ça étrange. C’est comme un rituel. Il faut que je joue avant d’aller dormir. T’avais l’intention de dormir? 

Je lui ai sauté dessus, il a oublié la guitare. 

Il avait pas vraiment de lit. Pas vraiment de draps. Pas vraiment de chambre. Juste un matelas par terre. Mais il avait un grand mur de briques. All right j’aime les murs de briques.

Le matin, le pas de lumière entrait par la grande fenêtre sans rideaux. Trop pour continuer à faire semblant de dormir. Je me suis vue dans le miroir. Du masacara jusqu’au menton. Shit. Rien d’autre que du savon en barre qui brûle les yeux. Je trouvais pas ma robe.

Tu sors de là t’as l’impression que tout le monde voit rien que ça. Ta robe avec pas assez de tissus dessus, ton masacara partout dans ta face. Tu marches encore croche.

Mais t’es toute seule dans la rue alors c’est pas grave; personne te voit.

Avant de partir on a baisé encore. On a accroché la guitare un peu. Ça fait striiiiing il a failli paniquer. 

Bonne année, Tod.



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