Petite nature



Je l’ai croisé dans un show. Pas un show à lui là. Un autre show. Un où je pensais pas le voir. Où il pensait pas me voir non plus.

J’avais décidé d’arrêter de le stalker. Que c’était mieux pour mon honneur et ma stabilité mentale. C’est pour ça aussi que j’avais arrêté de vous en parler.

Ben là vous imaginerez pas ce qui est arrivé. Je suis partie à rire quand je l’ai vu. Un rire nerveux comme trop gros pour une petite salle. Lui, il savait pas où se mettre. Je suis allée le voir. Tant qu’à.
  •        Tu vas pas me croire mais je te jure que je savais pas que tu serais ici. Je savais même pas que c’était ton genre de band.
  •        Mon ami fait le son. Je suis là un peu par hasard. Toi, t’aimes ça?
Et merde, question piège. Les musiciens ils aiment jamais les bands des autres, surtout pas de ceux qui sont « égaux » ou « sous eux ». C’est comme à la mode de pas trop tripper sur ce que les autres font. Ça doit faire partie de la game. Et moi je sais jamais quoi répondre à un musicien qui me demande ce que je pense de tel band. Et là c’est Simon. Simon c’est pire. Faut pas dire une marde.

  •          Ben je connais pas trop en fait. J’aime ça aller écouter des bands émergents sans trop savoir où je m’en vais. Au pire j’aurai perdu dix piasses. Fait que je te dirai après le show comment j’ai trouvé ça.
  •          Tu veux une bière?
  •          Ouais ok.
Je m’étais pratiquée longtemps devant mon miroir pour avoir l’air de m’en foutre; je crois que j’ai réussi. Dire ouais ok sans sourire sans m’exciter sans me faire d’idées.

Mais c’est pas ça qui est drôle.

C’est qu’il est jamais revenu avec la bière. Quand j’ai commencé à trouver que ça faisait longtemps, j’ai regardé vers le bar, il y avait tout un troupeau de monde autour.

Câline je peux pas croire qu’il se pointe à un bar et qu’il a vingt groupies autour de lui. C’est pas Dieu quand même. Trouvez-vous une vie et laissez-moi être sa seule groupie.

Mais c’était évident qu’il se passait quelque chose. Je me suis dit qu’il avait peut-être trouvé un lapin dans le fond de son chapeau et que je ferais mieux d’aller voir.

Il était par terre. Évanoui.

  •           Avoir su que je te faisais de l’effet de même, je t’aurais jamais laissé partir tout seul.
C’était pas vraiment approprié de faire une joke. J’aurais peut-être pas dû mais j’ai pas pu m’en empêcher. Après tout ce temps à me dire que j’allais m’évanouir devant lui un jour, ben c’est lui qui est tombé dans les pommes! C’est pas rien quand même. Pis là j’ai pas pu m’empêcher de penser que j’attirais les accidents depuis quelque temps. Ça doit être un signe. De quoi? Je sais pas.

Son ami le gars de son est arrivé. M’a demandé si j’étais avec lui.

  •           Ben heu c’est que.
Simon il a essayé de se relever et il est retombé par terre. On l’a assis dans un coin. Faut aller à l’hôpital que le gars de son dit. Il avait du sang dans les cheveux. Il était un peu tout mélangé.

  •          Mais moi je peux pas vraiment. Toi, peux-tu? (dit le gars de son)
  •          J’imagine que je peux faire ça. Allez-vous me rembourser le show?
  •          
  •          C’t’une blague.
Des fois les gens me prennent trop facilement au sérieux.

Simon il parlait pas et il était blanc-gris. J’ai dis envoye champion on s’en va à l’hôpital. Je me sentais superwoman. (Il avait besoin de moi! Yeeees.) J’ai l’ai pris par la taille et on est montés dans un taxi.

Il a marmonné des excuses genre pas mangé de la journée, fatigue, stress, pas besoin d’aller à l’hôpital. Mais comme il était encore pas top shape on est allé pareil. Il a fini par dire merci.

J’ai passé une partie de la nuit à être assise à côté de lui dans la salle d’attente. Il était pas assez urgent pour passer en priorité. Quand il a fini par voir un docteur il était rendu correct. Pas pire que moi qui venait de passer quatre heures aux urgences. J’avais peur que le docteur le croie pas. J’étais prête à aller témoigner qu’il filait pas fort fort quelques heures plus tôt. Mais enfin.

Et de quoi on a parlé tout ce temps assis côte à côte dans les chaises de plastique jaune?

Ben de pas grand chose.

C’était presque normal. On a même parlé de la météo.

Quand on est sortis de là j’étais trop fatiguée pour penser à le cruiser. Il m’a dit, faut que je te remette ça quand même.

  •         T’étais ben mieux. Quand est-ce que tu m’invites à prendre une bière?
  •          
  •          T’as même pas le droit de chocker. Sinon je vais péter une coche pis tu vas trouver que ta poque sur la tête c’était pas grand chose.
  •          Samedi. Tu peux-tu?
  •          Je vais m’arranger.
PS: PS: Je déteste la nouvelle mise en page de bloggeur.

Le gars du club vidéo II



Je m’étais dit que ce soir-là, je lui dirais, que je le trouvais cute chaque fois que je passais devant sa vitrine : drette frette de même salut t’es cute on vas-tu prendre une bière?

Ben câlisse je me suis fait shifter par la fille devant moi! Qui se tournait les doigts dans les cheveux avec des yeux qui clignotent au ciel salut tu sais t’as déjà mon numéro de téléphone c’était le fun l’autre soir j’aimerais ça te revoir. Lui ouain, ouain. L’air blasé mais quand même. C’est pas comme si je pouvais arriver juste derrière avec mon film pseudo intello pour dire si tu veux pas baiser avec elle avec moi, ça te tente-tu?

Y’a des choses qui se font pas.

Tabarnak.

Je pourrais ouvrir une agence de détective



Il sortait de l’autobus et moi je rentrais chez moi. Alors j’ai débarqué de mon vélo.

J’ai décidé de le suivre.

J’ai monté mon col jusqu’aux oreilles et je me suis rentré le cou dedans. 

Dehors, il faisait froid.

J’ai soufflé de la brume dans mes lunettes pour pas qu’il me reconnaisse et j’ai marché derrière lui. Quand il se retournait pour vérifier qu’il était pas suivi, je sautais derrière un char stationné. Une vraie pro.

On a marché comme ça lui et moi oh, un bon deux minutes. Il savait pas qu’on se construisait des histoires ensemble. Je me suis dit que s’il avait su que c’était une date, on aurait pu aller prendre un chocolat chaud.

J’ai décidé de pas lui dire tout de suite, tsé, qu’il était amoureux de moi. D’un coup qu’il s’en était pas encore rendu compte. Des plans pour lui faire peur.

Il a fini par prendre à gauche et monter tout en haut d’un escalier en fer forgé. De là, j’avais peur qu’il me voie, mais il s’est pas retourné.

Dans sa main, il tenait une mallette d’écolier usé vintage.

One night stand?



Il y a un temps. Un temps de cela. Un certain temps ou un temps certain. Je ne sais plus.

Je suis partie loin. Loin comme presque le bout du monde. Il y avait de la mer à mes pieds le matin. Pas si loin que c’était vraiment ailleurs. Juste assez pour se sentir un peu décalée.

Ça doit faire quelques semaines. Un mois, tiens.

Un soir je suis allée voir un show. Parce que c’est ce qu’il y avait à faire ce soir-là. Ça tombe bien. J’aime ça, aller voir des shows.

La salle était rouge et le band était jaune et bleu. Dans le fond, il y avait un divan. Remarque, peut-être que c’est lui qui était rouge. À la fin je me suis assise dedans. Où tu voulais que j’aille d’autre?

Un par un, ils sont venus. Autour, à côté. Les gars du band. Ils devaient n’avoir nulle part où aller eux non plus. Il faisait noir un peu pour aller voir la mer.

On a commencé à jaser. Avec un plus qu’avec les autres. Puis avec ce seul-là seulement.

Il me dit, restes-tu prendre une bière?

J’étais fatiguée. Comme dans fatiguée j’aurais pu m’écrouler dans le divan et mourir là.

Alors j’ai dit okay.

J’ai pensé à Simon. Dans ma tête je lui ai dit fuck you. Et puis j’aime ça, quand le réel me surprend. Surtout si j’ai pas couru après.

On a passé une belle soirée. On a parlé d’inondations, d’échecs, et de poubelles. À moment donné on a fini par se frencher.

En rentrant nulle part, on a réussi à pas se perdre en chemin. Remarque ça aurait pu être drôle, se perdre. Pis après se courir après en se lançant des roches. Mais c’est pas arrivé.

Il a plutôt dit : j’aimerais ça te revoir.

En fait, on est presque voisins. Il était aussi loin de chez lui que moi de chez moi.

Il avait l’air d’avoir besoin d’aide pour être sûr d’arriver à me revoir paraît que dans la vie on croise pas toujours par hasard les gens qu’on voudrait croiser alors je lui ai laissé mon numéro.

J’ai pas pris le sien. Je sais pas pourquoi. Peut-être parce que c’était lui qui l’avait dit en premier.

J’ai jamais eu de nouvelles.

Ça aurait été tellement simple, rien me demander.



L’automne tout le monde fait des conserves. On a les mains rouges de betteraves pis on arrive à s’écœurer de la compote de pomme.

C’est supposé d’être triste mouillé et frette mais moi j’aime ça.

Ça sent le bois même en ville. Ça donne le goût de se coller pis d’écouter des films poches.

On pogne la grippe mais on n’est pas encore écœurés d’avoir le nez qui coule.

Je bois du chaï sur mon balcon. Je mets des mitaines pis un foulard.

Je veux pas accepter que l’été est fini.

Je persiste à être dehors.

Il y a des feuilles de pognées dans la chaîne de mon vélo.

J’aimerais ça qu’un beau gars se matérialise devant chez moi qu’il me dise salut veux-tu frencher? Juste comme ça. Pour rien de spécial.

Sophie à la ferme



L’autre jour je suis partie à la campagne la vraie avec des vaches dedans. Y’avait pas rien que des vaches, y’avait même une compétition de vaches qui étaient peut-être des bœufs ou peut-être même du steak qui tiraient des gros blocs de granit. Vrai comme je vous parle.

J’hallucinais ben raide. En plus j’étais pas habillée en ferme.

Il faisait beau.

Ça fait qu’on regardait les vaches tirer. En fait moi je regardais les fermiers fouetter les vaches qui tiraient des blocs. C’était une belle hiérarchie de travail. Chacun sa job. En tout cas.

Il y avait un jeune fermier. C’est deux mots que je trouve drôle à mettre dans la même phrase. Je pourrais même rajouter cute. Y ressemblait pas à Fardoche. Il avait pas de foin dans yeule. Donc un jeune fermier cute pas de brindille de foin dans yeule qui fouette une vache qui est sûrement un bœuf qui tire un bloc qui est peut-être lourd et moi qui regarde le gars.

Je m’approche de la clôture pis je lui fais un tata de reine d’Angleterre. Tant qu’à avoir une robe avec des fleurs. Je pense que si j’avais été plus en forme je me serais couchée comme un sirène sur le dessus de la clôture pas si haute que ça de toute façon pis j’aurais attendu qu’il vienne me chercher.

Mais je me suis contentée des tatas pis des sourires de pas de fermière. Peut-être qu’il en voit jamais pis que ça l’excite?

La vache en tout cas, ça l’a excitée.

Elle a arrêté de tirer ben raide et elle a décidé qu’elle pissait. Qu’elle en avait rien à foutre de la compétition et des médailles Ça devait être une vache de la réforme. Et c’était un bœuf finalement. Pis tout ça, ça avait peut-être rien à voir avec mes tatas que le fermier cute il avait même pas vu mais moi je voyais un lien. En tout cas il a pété une sale coche contre la vache qui est juste restée là pis qui a même pas essayé de se défendre. Lui, c’était pas un fermier de la réforme.

Il s’est mis à fouetter et à crier et à fouetter il est devenu tout rouge en dessous de son chapeau de paille il avait l’air d’une caricature.

Je suis partie à rire.

Mais je trouvais pas ça drôle.

Il m’a remarquée parce que les autres ils riaient pas. Il a arrêté de crier mais il est pas venu me frencher.

Je pense que je venais de manquer ma shot et que j’aurais dû me tirer carrément dans l’enclos à la place de faire des tatas. Comme ça, il aurait pas été fâché contre la vache.

Je me suis dit que les fermiers c’était peut-être pas pour moi.
Pis de toute façon les fouets, c’est pas mon trip.

J’aime mieux les accidents de vélo.

Hit without run



Ce matin j’étais en retard. Je suis partie tout croche en essayant de placer ma sacoche et mon sac de lunch en même temps que j’embarquais sur mon vélo et que je démarrais à toute allure. Je conduisais d’une main, j’essayais de placer le reste de l’autre, je sais pas où je regardais.

Je lui ai foncé dedans solide.

Peut-être que lui non plus il regardait pas parce qu’il était trop occupé à courir après le bus, qui décollait justement au coin là-bas.

En tout cas moi je me suis plantée les deux genoux écorchés et lui il s’est ramassé sur le cul.

Plus de peur que de mal comme on dit.

Mais savez-vous quoi? C’était le cute gars qui attend l’autobus comme moi je le dépasse en vélo.

Après m’être excusée genre quarante fois et assurée qu’il était correct. Il a dit, t’étais en retard toi aussi hen?

J’aurais tellement tellement dû en profiter pour l’inviter à arrêter prendre un café avec moi et assumer à fond notre retard mais j’ai pas été game.

En tout cas on doit pas habiter bien loin.