Il m’appelle pour me dire qu’il a trouvé mon bas.

Ben non c’est pas pour ça qu’il m’a appelée. Mais il me dit à moment donné en passant ben oui j’ai retrouvé ton bas. Il était où? Je sais plus. Derrière un sofa je pense.

Ce soir-là ou l’autre d’après je suis chez lui ça me revient en tête eille t’aurais pas mon bas? C’est pas que j’y tiens tant que ça mais bon tant qu’à y penser et à être là.

Ah oui certain. Tiens.

Sauf que c’était pas mon bas. Il était même pas de la même couleur. Mais c’était clairement un bas de fille.

Sur le coup j’ai pas trop réagi. J’ai pas pensé à réagir.

Un bas. Un autre. Au fond, tant qu’il me fait, c’est pas trop grave.

Puis plus tard, mais d’où il sort ce bas? C’était à qui avant? Et surtout, ça fait combien de temps qu’il traîne chez Simon? Pis il est où mon bas? Il est rendu au pied de qui?

J’ai décidé de pas lui en parler.

Dans ma tête sont apparues plein de fissures dans ma grosse bulle sale.

La veille il avait pas répondu à son cell. Pourquoi?
Et puis l’autre jour il textait quelqu’un d’autre il avait l’air trop heureux.
Pourquoi tout d’un coup out of nowhere il est revenu dans ma vie?

On n’a jamais parlé de rien. Il y a comme des tabous gros comme des montagnes. Des portes que j’ai peur d’ouvrir. Je veux pas que mon château de sable s’effondre.

Je suis allée traîner dans son coin. J’ai tourné autour de son appartement en écoutant de la musique dépressive.

Des fois quand ma vie va trop bien j’ai besoin de rajouter de la marde dedans. Ça me rassure on dirait.

J’ai trouvé un arbre où je pouvais grimper. De là, je voyais dans sa chambre. La lumière était allumée mais il y avait personne.

Une heure a passé peut-être.

Puis il est arrivé.

J’ai retenu mon souffle j’ai sûrement fermé les yeux qu’est-ce que j’allais faire s’il était avec quelqu’une d’autre? J’avais besoin de savoir ce que c’était, cette histoire-là. J’aurais des preuves que l’univers au grand complet conspire contre moi.

Il était seul.

Je commençais à avoir pas mal partout, perchée dans l’arbre.

Je suis rentrée chez moi avec un gros sourire dans la face.

Et je me suis trouvée conne en sacrament.



L’art reprend la rue. Je sais pas ce que vous en pensez mais moi, les casseroles et tout le reste, je trouve ça artistique. C’est comme remettre un sens dans festival là où il n’y en n’avait plus.

Les manifs, c’est aussi un bar open de cruise. Sérieux, t’as une excuse pour être à moitié tout nu (ou complètement tout nu) te promener avec une pancarte sexy et vendeuse au-dessus de la tête (lire: check me out je suis drôle et beau/belle et engagé/e) et parler à n’importe qui sans raison précise. J’ai vu : Manifestant seul cherche 48 filles (pas plus) pour l’accompagner. Ou quelque chose comme ça. 

Tu peux aussi protéger ton nouveau kick des gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc en te lançant entre les policiers et il/elle parce quoi toi, tu auras des lunettes de ski et un foulard par-dessus tout le reste (bon ça descend un peu ton niveau de sexyness, mais pour sauver quelqu’un j’imagine que ça vaut la peine – ça montre aussi que tu est prévoyant et téméraire, peut-être que des fois ça compte pour autant que la hawtness) et si jamais tu échoue la sauvegarde ou la fuite, ben tu partageras une ride de bus et un tour de poste de police avec le futur être aimé. T’auras vraiment plus besoin de briser la glace après. Je pense que tu peux aller direct frencher dans un parc et risquer de faire un autre tour de char de police parce que tsé, on doit bien être rendu avec un couvre-feu à la grandeur du Québec. Cossé tu fais dehors? Envoye à maison. Ah, c’est pas encore voté cette loi-là? Scusez du spoilers.

Faque dans le fond, on devrait remercier Charest de faciliter le matchage et le sexe. 

Dans la jungle urbaine



Il y a un mini-boutte de rien assis en face de moi au café. En fait c’est sa mère qui est assise en face de moi. Lui il doit pas avoir plus qu’un mois. Deux? Je suis pas bonne en années-bébé.

Il gazouille et elle a l’air de comprendre quelque chose à tout ça.

En partant elle l’enroule dans un gros tissus on dirait des kangourous.

Pourquoi ces tissus-là sont toujours multicolores? À la Péru-style. Vous savez de quoi je parle.

Est-ce que c’est une autre des grandes règles de l’univers dont j’ai jamais entendu parler et qu’il y a une genre de concertation planétaire? Tout le monde sait ça sauf moi?

Multicolore, ça fittait full mal avec son linge. Et je suis prête à parier que ça fittait mal avec tout le reste de son linge. Mais multicolore it is.

Les nouveaux parents perdent souvent tout sens de l’esthétique.

Tous des cochons



Je me sentais Betty Crooker ou ama de casa ou encore plus de choses auxquelles je préfère ne pas penser. J’ai fait des cupcakes.

Pas de rose. Des cupcakes de gars. Si ça se peut.

Genre fondant au chocolat avec un glaçage plein de sucre. 

C’était même pas sa fête. Rien de spécial. J’avais le goût de faire des gâteaux.

Je suis débarquée chez lui avec ça.

En chemin je m’étais fait siffler parce qu’en plus j’avais mis une robe sexy, des bottes de salope ET des lunettes de pitoune.

Il était pas chez lui quand je suis arrivée je me suis assise sur son balcon. J’ai mangé un gâteau en attendant. Ils étaient bons.

Il a fini par arriver. Avec les cheveux dépeignés juste ce qu’il faut. Ça m’a serrée dans le ventre. Finalement on a passé la soirée dehors.

Il a sorti une bouteille de vin (deux). On s’est fait venir des sushis et on a mangé plein de gâteaux.

À matin j’étais tellement en retard je trouvais plus un de mes bas j’ai fini par partir à moitié nue bas. Moyennement confortable dans des bottes de salope (d’ailleurs l’ensemble était très peu approprié pour une journée de bureau – je me suis fait regarder de travers, mais pour d’autres raisons que la veille).

Je compte les jours avant que quelqu’un se décide à me mettre à la porte.

Sometimes, life is also about life



C’est ça que j’ai dit à la fille en cœur de pomme, entre deux gorgées de thé. Et puis je suis tombée sur ça :

« The past is never dead. It’s not even past. Lorsque j’avais lu cette phrase de William Faulkner, je l’avais recopiée dans un cahier, certaine qu’elle contenait une révélation et que c’était mon destin de l’assimiler. Ma seconde vie se faufilait à travers ces mots comme des doigts dans un gant de cuir merveilleusement ajusté. Le passé n’était pas mort. Il n’était même pas passé. Je n’avais rien vécu. Rien compris. Il en irait ainsi jusqu’au jour de mon trépas qui serait le plus beau jour de ma vie : celui de la connaissance absolue. » 
Pourquoi faire une maison avec ses morts, Élise Turcotte

Crème à la glace limonade sucrée



Il m’a acheté un popsicle.

Un popsicle rose. Ceux qu’on peut casser au milieu pour les partager mais enfant ça nous faisait donc ben chier. T’as un popsicle tu veux pas le partager. Même si c’est trop gros pour toi que ça coule partout pis que ça colle. Tu veux le manger toute. Pas question d’être fif et de le splitter. Même si au fond, ça se mange mieux.

Je lui ai offert la moitié.

Il m’a dit qu’il aimait pas le rose.

Alors je l’ai mangé toute.


Le double tasking



J’ai jamais compris comment on faisait pour boire un café ou un thé chez la coiffeuse en même temps qu’on se fait couper les cheveux. Ça m’impressionne celles qui réussissent à le faire. Moi chaque fois que je vais me faire couper les cheveux on me propose quelque chose à boire. Je dis oui parce que tsé, quelque chose de gratuit je dis toujours oui. Et là je me retrouve chaque fois à regarder mon verre refroidir et pas vraiment pouvoir le boire parce qu’elle me joue dans les cheveux tiens ta tête comme ça ne bouge pas. Et puis il y a les cheveux qui tombent dans le verre et partout autour. Pis là je stresse je me demande si ça se fait de lui dire eille arrête un peu deux secondes j’aimerais ça prendre une gorgée. Bien trop peur qu’elle manque son coup parce qu’elle aurait été déconcentrée et qu’elle perde de vue « l’œuvre » en cours. Alors je dis rien je pense à mon verre que j’aimerais donc ben boire. Mais que je ne peux pas. C’est juste un tease.

Comment on peut boire dans ces conditions-là?

Back to the Future



Faque on est revenus depuis quelques jours. J’en reviens encore pas.

Tu sais, des fois la vie amène des bonnes surprises.




PS : Il est encore plus cute dans un show acoustique qu’avec tout le reste de son band.


Nous Yorke



On n’est pas restés bien bien longtemps à New York. Lui il connaissait tout plein de monde et il m’amenait à plein de place que je me rappelle plus le nom. 

J’ai rencontré une fille en cœur de pomme et son copain avec les cheveux longs. Des anarchistes de Occupy Wall Street aussi mais je me suis pas rendue à Wall Street pour voir s’ils occupyaient encore. Une massicote géante qui donnait des cours d’harmonica à temps partiel pour financer ses jelly beans et qui d’autre?

Un soir j’ai mangé du caviar. Vivre un moment « Sex and the City » : Check.

Je pense que j’ai croisé Barrack Obama, mais c’était sûrement quelqu’un d’autre.

Il a fait beau. Plus qu’ici je pense. J’ai pris un coup de soleil sur le bout du nez. J’ai pas vu beaucoup de coups de soleil dans les rues de Montréal. Quoique ça commence.

J’ai rencontré plein de gens mais je pensais pas à eux. J’avais tout le temps hâte qu’on rentre à l’appart. Tu sais, quand t’as un appart cool comme ça avec des grandes fenêtres pis plein de lumière, tu perds pas ton temps à aller te promener.

Tu restes en-dedans. Pis tu baises.

C’est pas comme si New York risquait de disparaître le mois prochain. 

Pis c’est là qu’il m’a demandé…



Ça faisait quoi, quelques jours de gros bonheur sale pas plus. Il me dit demain je pars à New York. Je fais la première partie acoustique du gig d’un de mes amis. Viens avec moi.

J’étais jamais allée en plus.

J’ai pensé au bureau. J’ai pensé que j’allais me faire mettre dehors. J’ai pensé qu’au fond je m’en câlissait un peu. Je me suis dit ah pis de la marde on vit rien qu’une fois. Vivons dangereusement. Après peut-être qu’on pourra plus.

J’ai appelé pour câler malade d’avance et on a sauté dans le train.

Tu le savais-tu toi que ça passait tout le long du lac Champlain, entre les montagnes?

J’aime les trains. J’ai toujours aimé les trains. Je me sens loin dans un train. Je ferais des tournées de train à l’infini. Ça tombe bien parce que c’est crissement long le train pour aller là-bas. T’es mieux d’aimer ça le train si tu le prends. Parce que tu vas être dedans un boutte. Au moins, c’est plus confortable pour frencher que l’autobus.

On s’est ramassés à l’épicentre d’hipsterlandia. Genre là où Dieu a inventé les hipsters. J’avais oublié de m’habiller tout croche.

On n’avait pas vraiment de bagages. Son ami nous avait trouvé un appartement. Le loft d’un autre ami qui était parti je sais pas où. Le truc de malade. Sur son toit il y avait un hamac et un barbecue.

On déménage-tu à New York?

Moi je serais jamais sortie de cet appart-là.

Un soir, on est allés à Central Park. On a trouvé ça loin, se rendre en métro.



Ça fait longtemps que j’ai pas écrit. C’est arrivé tellement vite je ne sais plus comment conter ça. J’ai pas eu le temps j’ai même pas pensé. Comme trop occupée à vivre.

C’est lui qui m’a appelée. J’ai le goût de te voir là. Je le sais c’est con. Ça pas rapport. Je suis à l’envers de ces temps-ci.

On est allés prendre une bière. Puis une autre. Puis plein d’autres.

Je sais plus comment c’est arrivé. Qui a frenché qui en premier. Est-ce que c’est arrivé autour de la table? Debout près de la caisse? Dehors pas loin des vélos? Ou juste chez moi?

Je ne sais plus comment on est rentrés. Ni pourquoi il m’a suivie. Pourtant même avant de me rendre à cette bière, je savais ce qui allait arriver. Je me suis dit ça après, mais est-ce que je le savais vraiment? C’est facile après, énoncer des évidences.

Le lendemain je suis pas allée travailler.

On a tellement frenchés que j’avais mal partout.

Je suis partie à rire pour rien dans le creux de son oreille. Maudit que je me sentais niaiseuse.

J’ai pas posé de questions sur le pourquoi des choses.

Pourquoi là et pas avant?
Pourquoi il a fallu toute cette marde?

Est-ce que ça rend le présent plus précieux, la marde?