El party de bureau – suite



Michael il est venu finalement. Il doit vouloir une promotion. Il a sorti son petit sourire d’anglo quand je lui ai demandé s’il avait pas quelque chose de plus important à faire qu’être ici. Genre présider au grand bal de Cannes. Peut-être qu’il m’a dit qu’il était là pour mes beaux yeux. Correct j’ai compris je suis pas la seule à pouvoir être baveuse. 

J’aimerais vous dire que je me suis réveillée à côté de lui. Que c’était génial.

Mais c’est un monsieur monsieur qui a plutôt essayé de me pickuper. Dans un bar où on est sortis après.  Sa bedaine tirait un peu sur les boutons de sa chemise. Il était tout enrobé de sucre. Son collier disait daddy dans son cou. Qu’est-ce tu manges pour avoir des yeux de même?

Voulez-vous ben me lâcher avec mes yeux crisse?

Je lui ai répondu quelque chose comme c’est approximativement intéressant et je suis partie.

Je suis rentrée toute seule. Me suis cassé un talon en chemin. Jamais été douée avec les retours.

J’ai passé devant un bar pas loin de chez moi avec un tapon de fumeurs devant la porte. Je me suis arrêtée, j’ai fait sembler de gosser après mes souliers. Y’avait rien à faire mais je sais pas, j’avais pas le goût d’arriver tout de suite. J’aurais aimé fumer.

Je me sentais légèrement à la mauvaise place. J'attendais après rien. C'est toujours louche ça.

Il m’a demandée du feu. Je l’avais pas vu arriver. Sa cigarette était déjà allumée. Tu vois pas que je suis occupée à essayer de réparer mes souliers pétés? J’ai juste souri un peu. Je l’avais pas regardé encore.

  • On se connaît hen?
  • J’ai l’impression que je t’ai déjà vu quelque part, ouais. Mais je pourrais pas dire où.
  • Qu’est-ce tu fais?
  • Je prends une pause. Je suis gelée jusqu’au genou. J’sais pas si t’as déjà essayé de marcher avec juste un talon mais ça va pas le yâble.
  • Non, j’imagine que t’as jamais essayé.
  • Pourquoi t’as pas pris un taxi?
  • J’ai pas pensé. Ça vient juste d’arriver.
  • T’es une amie à Karine! (illumination de sa part)
  • Ouais…
  • On s’est rencontrés dans un party.
  • Ok… 
  • Chez Flavie.
  • Oh!...
  • Alex.
  • Oui. Avec Karine vraiment saoule qui essaye de nous matcher. Super malaise. Je me souviens. Ben salut.
  • Je finissais ma bière et je rentrais. Veux-tu un lift?

J’étais pas vraiment dans un état pour dire non. Je l’ai suivi dans le bar.

Il m'a demandé si je pensais que le monde allait exploser en 2012. Je l'ai regardé drôle je pense. 

  • Tu sais pas de quoi je parle? C'est une théorie inca.
  • Ah. Tu penses que c'est pire que le bogue de l'an deux mille?
  • La fin du monde Sophie!, tu sais pas ce que ça veut dire? Oui c'est pire que des ordis qui explosent!
  • C'est pas plutôt une prophétie maya?
  • De quoi tu parles?
  • C'est pas une théorie inca. C'est maya.
  • Ça change quoi?
  • Bof je sais pas. Pas grand chose j'imagine.

Il m’a ramenée, pas trop longtemps après.

En arrivant devant chez moi il a coupé le moteur. Il a pris une grande respiration. Il s’est retourné.

  • En tout cas Sophie, je te souhaite un très joyeux Noël à toi. J'espère que tu vas passer des belles fêtes. Plein de bonheur. Bonne nuit. Repose-toi bien t'as l'air fatiguée.
  • Ok.
  • Heu je veux dire toi aussi.

Étrange soirée.


El party de bureau



Carole va danser sur la table. Elle va prendre le néon pour une boule disco et elle va finir par tomber à terre. En se relevant elle va faire semblant que personne l’a remarquée. Elle rira fort.

Annie va cruiser Stéphane… encore. Stéphane va se pousser de bonne heure… avec Julie.

Isabelle va essayer de matcher tout le monde. Surtout Krystelle avec Benoît. Non mais regarde-les se faire des beaux yeux pis être trop gênés pour se parler m’a t’arranger ça moé.

Sonia va débarquer avec une robe trop chère, trop décolletée, trop brillante et va s’arranger pour se faire remarquer. Si on est chanceux il y a peut-être une boule qui va sortir, le temps de prendre froid. C’est Steve qui va lui tourner autour. Elle aurait préféré Martin. Elle est mariée et nous rappelle à longueur de journée que le bonheur conjugal, c’est le pied.

Éric va passer la soirée collé entre la machine à café et la photocopieuse. Il ne fera de eye contact avec personne. Pour l’occasion, il se sera mis une cravate.

Demain, Jean-François aura mis toutes les photos les plus louches en ligne sur facebook. Il les aura commentées soigneusement, avec tout le gras qu’il est capable de mettre autour de l’os. Ce soir, ce qu’on verra de lui, ce sont ses boutons, derrière la lentille de sa caméra.

Michael sera trop beau pour se pointer. Il est trop cool et trop toute pour s’abaisser à ce genre de mondanités. Il préfère la Buvette. Il prétextera une excuse bidon, genre ma cousine vient d’accoucher, je dois aller au shower, mais vraiment j’aurais aimé venir. L’an prochain? Promis.

France ne fera qu’une brève apparition. Pour pas gâcher le party, qu’elle dira. Elle ne voudrait pas qu’on se retienne parce qu’elle est là et qu’on boit sur son bras. Elle sera smatte mais personne n’osera vraiment lui dire de rester.

Et moi je ne sais pas. Je serai un peu à l’écart. Avec Mélanie, Vincent et Samuel. On boira trop sûrement. On chialera contre tous ceux-là. En ne se disant pas qu’au fond, on aimerait bien danser sur la table, se faire matcher sans avoir à mettre d’effort, profiter de la débauche annuelle pour flasher, rire de tout le monde ouvertement sur fb, ou avoir le courage d’assumer notre critique et ne pas se pointer, tout simplement.

Vers minuit, quelqu’un commencera à dire – trop fort – à quelqu’un d’autre tu le sais hen que j’t’aime ben, au fond. Même si je te fais la vie dure…

Ça sera le signal de départ.

On finira la soirée quelque part. Les jeunes. Et demain, on aura mal à la tête.

Si on est rentrés accompagnés de quelqu’un du bureau, on mentionnera un genre de plus jamais. On fera une blague sur Stéphane, qui le fait à chaque party. Et le tout finira dans un pouet pouet un tantinet malaisant. Après, on fera semblant que c’est pas arrivé.

C’est comme ça qu’officiellement, le temps des fêtes sera lancé.

Réjouissons-nous.

Nowel bientôt



C’est ce temps-là de l’année. Encore. Dieu que l’année a passé vite. Les lumières et les sapins sont sortis. La crisse de musique du temps des fêtes aussi.

Y’a les couples d’amoureux qui magasinent ensemble main dans la main. Mitaine à mitaine plutôt. Ils se voient pas à travers la brume dans leurs lunettes mais ils se trouvent beaux quand même.

Moi je fais des allers-retours sur Mont-Royal juste pour m’écraser leur bonheur dans la face.

Il y avait un couple gay arrêté devant la vitrine d’une animalerie. Leurs suits matchaient ensemble. Il y avait du mauve dedans. Ils parlaient du coussin qu’ils allaient acheter à leur chien, et de ce qu’ils allaient lui cuisiner pour Noël. J’étais tellement en tabarnak contre la vie que je me suis arrêtée derrière eux et j’ai crié : Est-ce que vous pouvez être plus cliché que ça s’il vous plaît! Même Martha Stewart serait gênée. Ça devrait être illégal, les suits qui matchent. Vous vous êtes pas vus avant de sortir de chez vous?

C’était tellement gratuit.

Ils se sont pas retournés. Peut-être que j’avais pas crié au fond. Que j’y ai juste pensé tellement fort que j’ai pensé l’avoir fait. Peut-être qu’ils étaient sourds, en plus d’avoir un chien. Peut-être qu’ils étaient au-dessus de tout ça.

Et si c’était ça l’amour? 

Prendre le risque d’avoir l’air ridicule à deux et s’en foutre. Être game de dire quelque chose comme « tu es le soleil de ma journée », « non c’est toi mon lapin » et ne même pas mourir de rire en s’entendant le dire.

Pour Nowel je vous souhaite de la neige qui brille dans vos yeux, de la simplicité, des popsicles et pourquoi pas, le risque du ridicule.

Classique



Je l’ai rappelé, Marc.
Parce que je suis faible. Pis que pis que. Ben c’est ça. Faut s’occuper la tête avec ce qu’on peut.

J’aurais pu rappeler Gabriel aux yeux noisette. Mais m’abaisser jusqu’à lui courir après? Je sais pas. Marc ça me semblait plus simple.

Ou Yan. Ça fait longtemps que j’ai pas vu Yan. Je l’aime bien quand même. Mais on s’était dit qu’on arrêtait. Que c’était trop n’importe quoi. Qu’on finirait par s’attacher. Scandale! Qu’il fallait pas, surtout. Pas lui avec moi et moi avec lui. Peut-être que je vais le rappeler.

Mais Marc.

Marc.

J’ai fini par dire ouais salut ok on ira prendre un verre.
Il s’est pointé.

On s’est dit des niaiseries pour trouver des prétextes d’étirer un peu la soirée. Quand on est partis il a fait semblant d’avoir froid. Ça se fait encore ça?

Il m’a suivie jusqu’à chez moi. Je lui ai donné un char de marde tout le long. Il m’a dit que je lui avais pas vraiment laissé de chances. Qu’on se connaissait pas. Que l’ex était revenue dans le portrait. Que l’autre soir au party c’était compliqué. Que blablabla. Es-tu encore fâchée?
Non. J'aurais peut-être dû répondre oui.

Rendus devant ma porte j’ai dit : Je sais pas tu t’en allais où mais moi, j’habite ici.

Il est entré.

À moment donné on est partis à rire en même temps.

Après, j'ai oublié.


Nostalgie [nɔstalʒi] n.f.



Dans un moment de désespoir j’ai rappelé mon ex. Phil-l’ex l’ex-Phil, celui qui se promène sur Mont-Royal avec une pétasse blonde accrochée à son bras celui à qui je parle plus vraiment. Rien à dire comme.

Mais des fois t’as besoin de parler à quelqu’un qui te connait trop.
  • Toi hen tu t’en sors comment avec la vie es-tu amoureux es-tu heureux est-ce que toute tes matins sont plus que la veille pis t’as le goût de mettre du Nutella sur tes toasts pour rien juste parce que c’est bon pis que tu t’en sacre de ta santé parce que t’es assez heureux pour balancer?
  • So? 
  • Moi des fois quand je traverse la rue j’ai le goût de pas arrêter pas regarder continuer de marcher juste pour tester mon karma pis voir si mon karma veut que je me fasse frapper parce que tsé c’est important le karma ça te suit longtemps t’es aussi bien de vérifier de temps en temps si c’est encore ton ami il a une blonde je capote avant il en avait pas pis là il en a une c’est quoi cette ostie d’injustice de merde c’est quand un bon timing?
  • So, ça va?
  • Tu penses-tu que ça existe toi des gars qui sont pas des crisses de lâches ni des crisses de chockeux pis qui pourraient trouver genre, que j’suis fantastique? Je sais t’es un gars pis t’as déjà trouvé ça faque c’est une drôle de question j’ai même pas vraiment besoin que tu répondes en fait je sais pas pourquoi je t’appelle je sais qu’on se parle plus mais des fois j’ai le goût d’oublier le temps de fermer les yeux j’arrive à pas me rappeler que ça marchait plus pantoute pis je me dis que c’était donc ben merveilleux quand c’était facile qu’il y avait quelqu’un à côté à tous les matins pis que j’avais même pas besoin d’y tordre un bras.
  • Veux-tu qu’on aille prendre un café?
  • Je capote quand je me ramasse dans un souper plein de couples heureux de la vie qui se tiennent par la main en me demandant si j’ai réussi (enfin) à entrer comme eux ou à revenir dans le vrai monde des grandes personnes qui vont faire des bébés bientôt pis qui sont capable de compléter les phrases de l’autre sans se trouver quétaines.
  • J’ai le goût d’enlever ma peau pour sentir tout le monde me toucher pour que ça arrête d’être tout le temps aussi compliqué comme si j’avais rien d’autre à faire dans vie que courir après des chars de marde
  • Heu
  • Je me dis que je crois pus à rien. Même pas à l’amour juste que deux et deux font quatre pis que ça, ça vaut rien ça me sert à quoi moi, dans la vie, de savoir compter jusqu’à quatre? Je pourrais ben compter jusqu’à deux ou jusqu’à mille ça servirait encore à rien. Pourquoi aux enfants à la maternelle on leur montre comment faire des boucles avec leur souliers et rien d’important comme genre, comment ne pas toujours tomber sur des trous-de-culs dans la vie?
  • Ahen.
  • Pis
  • Écoute Sophie…
  • En plus l’autre soir
  • So!
  • Quoi?
  • Ben
  • Ouais ok je comprends. Merci de m’avoir écoutée. Mais tu sais d’autres jours je m’arrête je regarde le ciel il me pleut de la marde dans face pis 
  • So. Ma grand-mère est morte hier. Comme pas la tête à ça. Tu vas trouver quelqu’un, ok.


Sans titre


J’ai pas dormi de la nuit. Pas l’autre avant non plus.

Je suis rendue une crisse de zombie.

Je dors pas depuis l’hôpital en fait.

Pis je pense que je dormirai plus jamais.


*

On est allés prendre une bière. Dans une place où il y a ben du bruit mais tu danses pas non plus. Genre tu peux te parler mais faut que tu cries un peu fait que ben vite t’as mal à la gorge pis tu parles moins.

Tu bois plus.

Lui il regarde partout autour.

Tu te dis qu’il a peut-être encore mal à la tête.

Tu lui demandes. Non ça va il s’en est remis.

T’as le goût de lui parler de ta grand-mère et de son caniche rose mais tu te ravises à temps : ça ne doit pas l’intéresser. Tu pourrais lui parler de ta job mais même toi, elle ne t’intéresse pas.

T’essaye de parler de musique un peu mais tu sais pas vraiment quoi dire. T’aurais pu lui parler du dernier show que t’as vu, mais finalement t’es pas allée parce que t’as attendu avec lui à l’hôpital.

Tu hausses les épaules pis tu regardes le couple se frencher à la table d’à-côté. Dans ta tête, tu les envoies chier.

T’aimerais ça avoir un journal à feuilleter. Le journal n’attend jamais de toi que tu dises quelque chose d’extraordinaire qui fera décoller la soirée.

Tu remarques qu’il a déjà fini sa bière.

Moment critique. T’as peur qu’il parte.

Arrête de boire. Tète la tienne. Il pourra quand même pas partir si t’es encore en train de boire pis il pourra pas toffer sans boire : il va en prendre une autre.

Comme de fait il zieute ton verre pas encore assez vide et il se commande un refill.

Tu te demandes pourquoi tu veux tant qu’il reste.

Au fond. Pourquoi?

Parce qu’en fait, tu t’emmerdes. T’aimerais donc ça que ça soit la meilleure soirée de ta vie. Mais c’est pas ça.

C’est là qu’il te dit qu’il est amoureux. Qu’il vient de rencontrer une fille. Qu’elle est trop toute. Qu’il s’en attendait pas. Qu’il croyait plus à l’amour.

Tu penses à Brun Brun et à PG.

Tu dis rien.

Tu te lèves. Tu payes pas. Tu pars.

T’as le goût de vomir.

Il te court après. Tu l’entends pas t’as ton ipod tellement dans le tapis que tu vas donner mal aux oreilles du voisin. Y’a pas de voisin.

Il te rattrape par le bras. Tu rêves de continuer la swing pis d’aller écraser ta main dans sa face.

Tu restes impassible. Tu sais pas pourquoi.

Il s’excuse savait pas trop comment te le dire voulait pas que tu te fasses d’idées pour rien. Mauvais timing tsé tu comprends.

T’aurais préféré qu’il te coure pas après. Au moins t’aurais eu l’impression qu’il te restait un peu de dignité.

Léonie est sale



Tantôt je suis allée faire un tour de poussette.

Si vous voulez l’histoire longue, je suis allée prendre une marche avec Gen, qui gardait sa nièce. Léonie. Un an et demi. Chocolat dans face et lulus pas symétriques.

On a joué à se rouler dans la bouette dans le parc. Il fait chaud encore pour le mois de décembre. On a fait des courses à obstacles autour d’arbres qui n’existent pas. On a découvert l’Amérique. Vraiment creux dans le pit de sable. On a jammé avec des branches sur des troncs d’arbres et des poubelles. On a tout fait ce qu’on pouvait pour exténuer la petite. Pour qu’elle fasse une longue sieste et nous sacre la paix un bon deux heures. Elle riait tout le temps.

L’homme. Le monsieur-là. Celui qui passait pas loin avec ses enfants propres il s’est arrêté et il nous a dévisagées.

Il a fait un détour pour venir voir de plus proche et il a dit : ça a pas de bon sang mademoiselle de lancer partout cette enfant-là. Vous allez la rendre malade et en plus, vous lui inculquez de mauvaises valeurs. La politesse. Le respect des objets. Le savoir-être en société.

J’avais le goût de lui cracher dessus.

Eille toi chose. Regarde comme tes enfants ont l’air dépressifs.

Petite nature



Je l’ai croisé dans un show. Pas un show à lui là. Un autre show. Un où je pensais pas le voir. Où il pensait pas me voir non plus.

J’avais décidé d’arrêter de le stalker. Que c’était mieux pour mon honneur et ma stabilité mentale. C’est pour ça aussi que j’avais arrêté de vous en parler.

Ben là vous imaginerez pas ce qui est arrivé. Je suis partie à rire quand je l’ai vu. Un rire nerveux comme trop gros pour une petite salle. Lui, il savait pas où se mettre. Je suis allée le voir. Tant qu’à.
  •        Tu vas pas me croire mais je te jure que je savais pas que tu serais ici. Je savais même pas que c’était ton genre de band.
  •        Mon ami fait le son. Je suis là un peu par hasard. Toi, t’aimes ça?
Et merde, question piège. Les musiciens ils aiment jamais les bands des autres, surtout pas de ceux qui sont « égaux » ou « sous eux ». C’est comme à la mode de pas trop tripper sur ce que les autres font. Ça doit faire partie de la game. Et moi je sais jamais quoi répondre à un musicien qui me demande ce que je pense de tel band. Et là c’est Simon. Simon c’est pire. Faut pas dire une marde.

  •          Ben je connais pas trop en fait. J’aime ça aller écouter des bands émergents sans trop savoir où je m’en vais. Au pire j’aurai perdu dix piasses. Fait que je te dirai après le show comment j’ai trouvé ça.
  •          Tu veux une bière?
  •          Ouais ok.
Je m’étais pratiquée longtemps devant mon miroir pour avoir l’air de m’en foutre; je crois que j’ai réussi. Dire ouais ok sans sourire sans m’exciter sans me faire d’idées.

Mais c’est pas ça qui est drôle.

C’est qu’il est jamais revenu avec la bière. Quand j’ai commencé à trouver que ça faisait longtemps, j’ai regardé vers le bar, il y avait tout un troupeau de monde autour.

Câline je peux pas croire qu’il se pointe à un bar et qu’il a vingt groupies autour de lui. C’est pas Dieu quand même. Trouvez-vous une vie et laissez-moi être sa seule groupie.

Mais c’était évident qu’il se passait quelque chose. Je me suis dit qu’il avait peut-être trouvé un lapin dans le fond de son chapeau et que je ferais mieux d’aller voir.

Il était par terre. Évanoui.

  •           Avoir su que je te faisais de l’effet de même, je t’aurais jamais laissé partir tout seul.
C’était pas vraiment approprié de faire une joke. J’aurais peut-être pas dû mais j’ai pas pu m’en empêcher. Après tout ce temps à me dire que j’allais m’évanouir devant lui un jour, ben c’est lui qui est tombé dans les pommes! C’est pas rien quand même. Pis là j’ai pas pu m’empêcher de penser que j’attirais les accidents depuis quelque temps. Ça doit être un signe. De quoi? Je sais pas.

Son ami le gars de son est arrivé. M’a demandé si j’étais avec lui.

  •           Ben heu c’est que.
Simon il a essayé de se relever et il est retombé par terre. On l’a assis dans un coin. Faut aller à l’hôpital que le gars de son dit. Il avait du sang dans les cheveux. Il était un peu tout mélangé.

  •          Mais moi je peux pas vraiment. Toi, peux-tu? (dit le gars de son)
  •          J’imagine que je peux faire ça. Allez-vous me rembourser le show?
  •          
  •          C’t’une blague.
Des fois les gens me prennent trop facilement au sérieux.

Simon il parlait pas et il était blanc-gris. J’ai dis envoye champion on s’en va à l’hôpital. Je me sentais superwoman. (Il avait besoin de moi! Yeeees.) J’ai l’ai pris par la taille et on est montés dans un taxi.

Il a marmonné des excuses genre pas mangé de la journée, fatigue, stress, pas besoin d’aller à l’hôpital. Mais comme il était encore pas top shape on est allé pareil. Il a fini par dire merci.

J’ai passé une partie de la nuit à être assise à côté de lui dans la salle d’attente. Il était pas assez urgent pour passer en priorité. Quand il a fini par voir un docteur il était rendu correct. Pas pire que moi qui venait de passer quatre heures aux urgences. J’avais peur que le docteur le croie pas. J’étais prête à aller témoigner qu’il filait pas fort fort quelques heures plus tôt. Mais enfin.

Et de quoi on a parlé tout ce temps assis côte à côte dans les chaises de plastique jaune?

Ben de pas grand chose.

C’était presque normal. On a même parlé de la météo.

Quand on est sortis de là j’étais trop fatiguée pour penser à le cruiser. Il m’a dit, faut que je te remette ça quand même.

  •         T’étais ben mieux. Quand est-ce que tu m’invites à prendre une bière?
  •          
  •          T’as même pas le droit de chocker. Sinon je vais péter une coche pis tu vas trouver que ta poque sur la tête c’était pas grand chose.
  •          Samedi. Tu peux-tu?
  •          Je vais m’arranger.
PS: PS: Je déteste la nouvelle mise en page de bloggeur.

Le gars du club vidéo II



Je m’étais dit que ce soir-là, je lui dirais, que je le trouvais cute chaque fois que je passais devant sa vitrine : drette frette de même salut t’es cute on vas-tu prendre une bière?

Ben câlisse je me suis fait shifter par la fille devant moi! Qui se tournait les doigts dans les cheveux avec des yeux qui clignotent au ciel salut tu sais t’as déjà mon numéro de téléphone c’était le fun l’autre soir j’aimerais ça te revoir. Lui ouain, ouain. L’air blasé mais quand même. C’est pas comme si je pouvais arriver juste derrière avec mon film pseudo intello pour dire si tu veux pas baiser avec elle avec moi, ça te tente-tu?

Y’a des choses qui se font pas.

Tabarnak.

Je pourrais ouvrir une agence de détective



Il sortait de l’autobus et moi je rentrais chez moi. Alors j’ai débarqué de mon vélo.

J’ai décidé de le suivre.

J’ai monté mon col jusqu’aux oreilles et je me suis rentré le cou dedans. 

Dehors, il faisait froid.

J’ai soufflé de la brume dans mes lunettes pour pas qu’il me reconnaisse et j’ai marché derrière lui. Quand il se retournait pour vérifier qu’il était pas suivi, je sautais derrière un char stationné. Une vraie pro.

On a marché comme ça lui et moi oh, un bon deux minutes. Il savait pas qu’on se construisait des histoires ensemble. Je me suis dit que s’il avait su que c’était une date, on aurait pu aller prendre un chocolat chaud.

J’ai décidé de pas lui dire tout de suite, tsé, qu’il était amoureux de moi. D’un coup qu’il s’en était pas encore rendu compte. Des plans pour lui faire peur.

Il a fini par prendre à gauche et monter tout en haut d’un escalier en fer forgé. De là, j’avais peur qu’il me voie, mais il s’est pas retourné.

Dans sa main, il tenait une mallette d’écolier usé vintage.

One night stand?



Il y a un temps. Un temps de cela. Un certain temps ou un temps certain. Je ne sais plus.

Je suis partie loin. Loin comme presque le bout du monde. Il y avait de la mer à mes pieds le matin. Pas si loin que c’était vraiment ailleurs. Juste assez pour se sentir un peu décalée.

Ça doit faire quelques semaines. Un mois, tiens.

Un soir je suis allée voir un show. Parce que c’est ce qu’il y avait à faire ce soir-là. Ça tombe bien. J’aime ça, aller voir des shows.

La salle était rouge et le band était jaune et bleu. Dans le fond, il y avait un divan. Remarque, peut-être que c’est lui qui était rouge. À la fin je me suis assise dedans. Où tu voulais que j’aille d’autre?

Un par un, ils sont venus. Autour, à côté. Les gars du band. Ils devaient n’avoir nulle part où aller eux non plus. Il faisait noir un peu pour aller voir la mer.

On a commencé à jaser. Avec un plus qu’avec les autres. Puis avec ce seul-là seulement.

Il me dit, restes-tu prendre une bière?

J’étais fatiguée. Comme dans fatiguée j’aurais pu m’écrouler dans le divan et mourir là.

Alors j’ai dit okay.

J’ai pensé à Simon. Dans ma tête je lui ai dit fuck you. Et puis j’aime ça, quand le réel me surprend. Surtout si j’ai pas couru après.

On a passé une belle soirée. On a parlé d’inondations, d’échecs, et de poubelles. À moment donné on a fini par se frencher.

En rentrant nulle part, on a réussi à pas se perdre en chemin. Remarque ça aurait pu être drôle, se perdre. Pis après se courir après en se lançant des roches. Mais c’est pas arrivé.

Il a plutôt dit : j’aimerais ça te revoir.

En fait, on est presque voisins. Il était aussi loin de chez lui que moi de chez moi.

Il avait l’air d’avoir besoin d’aide pour être sûr d’arriver à me revoir paraît que dans la vie on croise pas toujours par hasard les gens qu’on voudrait croiser alors je lui ai laissé mon numéro.

J’ai pas pris le sien. Je sais pas pourquoi. Peut-être parce que c’était lui qui l’avait dit en premier.

J’ai jamais eu de nouvelles.

Ça aurait été tellement simple, rien me demander.



L’automne tout le monde fait des conserves. On a les mains rouges de betteraves pis on arrive à s’écœurer de la compote de pomme.

C’est supposé d’être triste mouillé et frette mais moi j’aime ça.

Ça sent le bois même en ville. Ça donne le goût de se coller pis d’écouter des films poches.

On pogne la grippe mais on n’est pas encore écœurés d’avoir le nez qui coule.

Je bois du chaï sur mon balcon. Je mets des mitaines pis un foulard.

Je veux pas accepter que l’été est fini.

Je persiste à être dehors.

Il y a des feuilles de pognées dans la chaîne de mon vélo.

J’aimerais ça qu’un beau gars se matérialise devant chez moi qu’il me dise salut veux-tu frencher? Juste comme ça. Pour rien de spécial.

Sophie à la ferme



L’autre jour je suis partie à la campagne la vraie avec des vaches dedans. Y’avait pas rien que des vaches, y’avait même une compétition de vaches qui étaient peut-être des bœufs ou peut-être même du steak qui tiraient des gros blocs de granit. Vrai comme je vous parle.

J’hallucinais ben raide. En plus j’étais pas habillée en ferme.

Il faisait beau.

Ça fait qu’on regardait les vaches tirer. En fait moi je regardais les fermiers fouetter les vaches qui tiraient des blocs. C’était une belle hiérarchie de travail. Chacun sa job. En tout cas.

Il y avait un jeune fermier. C’est deux mots que je trouve drôle à mettre dans la même phrase. Je pourrais même rajouter cute. Y ressemblait pas à Fardoche. Il avait pas de foin dans yeule. Donc un jeune fermier cute pas de brindille de foin dans yeule qui fouette une vache qui est sûrement un bœuf qui tire un bloc qui est peut-être lourd et moi qui regarde le gars.

Je m’approche de la clôture pis je lui fais un tata de reine d’Angleterre. Tant qu’à avoir une robe avec des fleurs. Je pense que si j’avais été plus en forme je me serais couchée comme un sirène sur le dessus de la clôture pas si haute que ça de toute façon pis j’aurais attendu qu’il vienne me chercher.

Mais je me suis contentée des tatas pis des sourires de pas de fermière. Peut-être qu’il en voit jamais pis que ça l’excite?

La vache en tout cas, ça l’a excitée.

Elle a arrêté de tirer ben raide et elle a décidé qu’elle pissait. Qu’elle en avait rien à foutre de la compétition et des médailles Ça devait être une vache de la réforme. Et c’était un bœuf finalement. Pis tout ça, ça avait peut-être rien à voir avec mes tatas que le fermier cute il avait même pas vu mais moi je voyais un lien. En tout cas il a pété une sale coche contre la vache qui est juste restée là pis qui a même pas essayé de se défendre. Lui, c’était pas un fermier de la réforme.

Il s’est mis à fouetter et à crier et à fouetter il est devenu tout rouge en dessous de son chapeau de paille il avait l’air d’une caricature.

Je suis partie à rire.

Mais je trouvais pas ça drôle.

Il m’a remarquée parce que les autres ils riaient pas. Il a arrêté de crier mais il est pas venu me frencher.

Je pense que je venais de manquer ma shot et que j’aurais dû me tirer carrément dans l’enclos à la place de faire des tatas. Comme ça, il aurait pas été fâché contre la vache.

Je me suis dit que les fermiers c’était peut-être pas pour moi.
Pis de toute façon les fouets, c’est pas mon trip.

J’aime mieux les accidents de vélo.

Hit without run



Ce matin j’étais en retard. Je suis partie tout croche en essayant de placer ma sacoche et mon sac de lunch en même temps que j’embarquais sur mon vélo et que je démarrais à toute allure. Je conduisais d’une main, j’essayais de placer le reste de l’autre, je sais pas où je regardais.

Je lui ai foncé dedans solide.

Peut-être que lui non plus il regardait pas parce qu’il était trop occupé à courir après le bus, qui décollait justement au coin là-bas.

En tout cas moi je me suis plantée les deux genoux écorchés et lui il s’est ramassé sur le cul.

Plus de peur que de mal comme on dit.

Mais savez-vous quoi? C’était le cute gars qui attend l’autobus comme moi je le dépasse en vélo.

Après m’être excusée genre quarante fois et assurée qu’il était correct. Il a dit, t’étais en retard toi aussi hen?

J’aurais tellement tellement dû en profiter pour l’inviter à arrêter prendre un café avec moi et assumer à fond notre retard mais j’ai pas été game.

En tout cas on doit pas habiter bien loin.

Freak show



Il y avait un party d’halloween chez Marc. Karine m’avait invité. Pas lui.

Me pointe-z’y-je? Ne me pointe-z’y-je pas?

J’haïs ça les partys d’halloween. J’haïs ça me déguiser laitte être dans une soirée comme toutes les autres salut t’es déguisée en sirène cochone pis toi en gogoboy wow génial c’est original moi je me suis déguisée en poussin. Pourquoi? Je sais pas il restait plus de costume de bitch à la pharmacie.

Il était là. Normal tu vas me dire c’était chez lui. En arrivant j’ai pensé au moins je sais déjà où sont les toilettes j’aurai pas besoin de chercher le bain à bières.

Mais l’autre aussi était là. J’ai comme espéré qu’elle ne me reconnaîtrait pas qu’elle avait oublié qu’est-ce que j’étais venue foutre ici aussi?

Elle me lançait des dards avec les yeux. Je sais pas si c’était vrai. Je suis pas allée lui demander pour vérifier.

J’essayais de me cacher dans mon suit de poussin chaque fois que je la croisais. Des fois je le regardais un peu, lui. J’essayais de comprendre quelque chose à tout ça.

On s’est pas trop parlés de la soirée. J’aurais dû partir avant. Genre quand je suis arrivée. J’aurais dû partir tout de suite.

Mais je suis restée.

À la fin il est venu me voir. M’a dit qu’il était content que je sois là. M’a prise dans ses bras. On devait être saouls.
  •    Elle? Es-tu contente?
  •   C’est fini, qu’il dit.
Mais en disant ça y’avait comme des points de suspension à la fin de sa phrase. Quelque chose comme c’est fini mais je peux quand même pas venir te parler si elle est là c’est un peu pour ça que je t’avais pas invitée ici tu sais mais ailleurs un autre soir pourquoi tu m’as pas répondu avant de te pointer ça aurait été moins malaisant.

Il y avait quelque chose comme ça dans ses points de suspension.

Hit and run



Je me trouve épaisse rare. Je me voyais déjà avec lui.

On a passé quoi, deux nuits ensemble? Moi je pense à nous deux.

C’est même pas que ça me tente tant que ça. Ça me tente, c’est pas ce que je veux dire. Mais déjà je me dis bon quand est-ce qu’on se revoie? Avant même de me demander si je veux le revoir. Si c’est arrivé une fois, puis deux. Si t’as travaillé si fort pour que ça arrive. Tu dois bien vouloir que ça arrive encore.

Ok alors.

Je veux bien.

T’es content là?

Pourquoi t’as disparu dans le décor d’abord?

Scandale!


Marc m’a textée.

« Veux-tu aller prendre une bière un de ces quatre? »

Peux pas croire. Mais vraiment pas croire, qu’il a eu le guts de faire ça.

Il me prend pour qui crisse?

Et le pire, je suis pas trop sûre de ce que je vais faire.

Nowhere



Hier je suis allée prendre une grande marche vers nulle part. Je filais drôle. Comme dans drôle trop de choses en même temps plein de questions et surtout trop de rien.

Je me suis arrêtée dans un café. C’était plein d’étudiants avec des faces fatiguées qui étudient fort toute la nuit. Pourquoi? Je sais pas j’ai jamais compris. Peut-être qu’ils font jamais rien le restant du temps ou qu’il sont vraiment – vraiment – studieux. Il doit y en avoir des comme ça.

En tout cas il y avait un gars avec une tuque molle et une chemise à carreaux des grosses lunettes carrées et je me suis demandée si j’avais marché jusqu’au Mile End sans m’en rendre compte ou si c’était un milendeux qui s’était perdu ou si c’était tellement 2010 ou peut-être même 2009 que c’était rendu rétro. Et qu’en fait il était encore plus cool que les hipsters.

En tout cas je sais pas pourquoi je pensais à ça. C’est pas vraiment lui qui m’intéressait. Il m’intriguait j’aurais aimé aller lui poser plein de questions niaiseuses sur le pourquoi de plein d’affaires mais je suis pas allée.

À la place je me suis levée et je suis allée au bar de danseuses en face. Fouille-moi pourquoi.

J’étais jamais allée.

Je regardais pis je me disais que trop de lisse, c’était comme pas assez. J’ai trouvé ça frette. Mécanique, frette et calculé.

Tu finis par plus savoir ce qui est propre pis ce qui est sale.

Ça excite qui? Les autres, ils regardaient même pas vraiment.

J’haïs les chiens



Je voulais pas vous dire mais je regardais mon téléphone toutes les vingt secondes depuis l’autre jour juste pour voir si j’avais pas manqué un appel, ou un texto, de Gabriel-aux-yeux-noisette. Peut-être que j’avais oublié mon téléphone en mode réunion et que j’avais pas entendu? Faudrait vérifier une autre fois.

Pareil avec les courriels. Je suis capable de faire refresh quarante fois en ligne. Juste au cas où Gmail se serait trompé. (Je sais Xavier Dolan m’a volé le punch – mais je faisais ça avant le film.)

Ça veut dire qu’il m’intéresse, alors?

Mettons.

Mettons aussi que dès qu’il y a possibilité que quelque chose ait une suite je me mets à attendre. Comme une épaisse.

Des fois même je reste chez nous, au cas où le gars appellerait. Comme si ça servait à quelque chose avec les cellulaires. Mon corps le sait pas, lui, que la technologie a évolué et il se met en mode attente.

Je pense que j’essaye aussi fort surtout pour pas perdre. Pas tant que ça parce que je veux le gars. Et je me déteste de penser ça. Non non non. C’est vrai et profond et il faut bien commencer quelque part. Mais des fois, quand même, on veut pas être le premier à perdre la face. Comme quand tu joues à la kermesse et que t’essayes d’attraper un toutou laid avec une grosse pince qui marche pas. Tu le veux pas vraiment, le toutou. Mais tu veux gagner pareil.

Anyway. Il a rappelé. J’étais contente quand même dans le fond du ventre.

Il s’est pas excusé. Une chance. Le dernier qui s’excusait trop ça avait vraiment mal fini finalement.

C’est là qu’il me dit qu’en fait il est devant chez moi. Ben voyons tu me niaises haha très drôle non je suis là pour vrai.

J’ouvre la porte. Il est là.

Avec un chien.

-       -- Salut?
-      - - Sophie. Viens-tu prendre une marche avec nous?
-       - -T’as un chien? Pis tu le fais marcher jusqu’ici?
-       -- C’est le chien de mon ami qui habite pas loin. Il est parti en vacances pour une semaine. Je m’en occupe. Je venais le chercher et tant qu’à être dans le coin je me suis dit que t’étais peut-être chez toi.
-       -- Heu ok.

Je savais pas si on aurait dû s’embrasser ou pas.

On est retournés chez lui. Tous les trois ensemble. Il m’a demandé si je voulais souper avec lui.

On a laissé le chien là et on est partis à l’épicerie.

Quand on est revenus, il avait tout saccagé.

Le chien avait saccagé toutes ses plantes et il y en avait partout dans l’appartement. De la terre et des traces de pattes de chien partout. Même dans son lit.

Ça m’a turnée off solide. Déjà que j’haïs ça, les chiens. Au moins il est parti à rire. Il me dit : on va-tu au resto?

On a laissé Sultan (ça c’est le chien) au milieu de ses décombres et on est partis manger.

Quand on avait rien à dire on parlait du chien. Ça nous donnait une raison pour se sourire et être découragés ensemble.

Pis finalement on s’est retapé toute la marche de la ville dans l’autre sens et on est allés dormir chez moi.




Depuis le 2 juillet, jour du lendemain du bataclan de déménagement de plein de nouvelles faces sur ma rue, je croise un grand brun le matin en allant travailler. Il attend l’autobus. Moi, je passe à côté de lui en vélo.

Il est beau.

Des jours je me dis que j’ai hâte à l’hiver. Que je pourrais même prendre l’autobus un matin cette semaine comme ça pour rien juste pour m’asseoir en face de lui et le regarder ou peut-être même à côté et me frotter le bras dessus parce qu’il y aurait beaucoup de monde dans l’autobus et que ça ne serait pas par exprès.

Mais ça me fait vraiment trop chier, l’autobus. Et j’aime trop mon vélo.

Ce matin, je lui ai souri.

Je sais pas s’il m’a vue.

Qu’est-ce que j’ai pas compris encore?



J’ai pensé à Gabriel ce matin. Comme dans penser-cute-à-quelqu’un et je me suis dit que j’aimerais le revoir.

Je l’ai appelé.
Il a répondu.

- Tu fais quoi, là? Veux-tu faire quelque chose?

Il pouvait pas. Va me rappeler.

Pis là j’ai dit : C’était cool l’autre soir.

Il a dit ouais, ouais.

Je cours, tu cours, il court pas



Gabriel il a pas rappelé. Et c’est à Simon que je pense.

Plus je pense pas à Gab, plus il y a de chances qu’il me coure après. Plus je pense à Simon plus il y a de chances que je me monte une grosse bulle pas d’air dans la tête et qu’elle explose pleine de confettis niaiseux quand je vais le revoir et que je dise pas ce qu’il faut et que je tombe tout croche en bas de mes pieds quand je vais le voir juste pour le faire freaker un peu plus et qu’il parte en courant en se disant quoi? je sais pas je comprends jamais rien aux garçons. Mais rien pour aider mon histoire en tout cas c’est certain.

Si je pense à rien je m’ennuie.

Si je pense à Gab je risque de croire des trucs bizarres comme il serait temps que je grandisse et que je m’investisse pour vrai encore même si j’ai déjà essayé tout ça et que le quotidien plate avait fini par me tuer et je rêve d’amour pas possible qui déracine avec des gars qui veulent pas. Et puis juste des chocolats chauds sur le bord du canal aussi ça serait pas mal.

Tu sais Simon, on n’est même pas obligés de frencher si tu veux pas.

Le voisin



Mon voisin il fait du lavage à tous les jours. Tous les jours!

Ses draps. Ou une chemise et une serviette. Une guenille. Une autre chemise.

Je me demande s’il a une machine à laver ou s’il lave deux morceaux à la main à tous les jours. Faudrait que je lui demande.

Il sort jamais de chez eux. Je pense qu’il m’espionne.

Je suis sûre que si je vais chez lui, je vais trouver ma photo pinnée sur le mur. Et mes habitudes de vie sur des post-it jaunes collés autour. Et les garçons. Et les non-garçons de ma vie. Tout ça collé sur un polaroïd de moi. Tellement qu’on ne voit plus ma face. Je pourrais lui dire que j’écris un blogue. Que ça serait moins de trouble pour lui de le lire au lieu de m'espionner.

Je pense qu’il a aussi les photos de mes autres voisins. Avec leur vie. Leurs amours. Leurs routines.

Que tout son mur est tapissé de toutes nos vies.
Un post-it par connerie. Par habitude. Par détail croustillant.

Je suis sûre que c’est comme ça.

Et que le matin, après sa messe vaudou, il lave une chemise, une guenille et une serviette.

Ça doit être un rituel.

Aujourd’hui, sa serviette est mauve.


Les surprises ne sont pas toujours mauvaises



On s’est rejoints dans un bar. Question que personne m’appelle pour me donner des raisons de chocker, j’avais pas amené mon cellulaire.

On s’est pris un double mojito, en se disant qu’on déciderait pendant ce temps-là ce qu’on ferait de notre soirée. À la fin du verre, on n’avait pas décidé. On en a pris un autre.

Je commençais à être pompette feeling un peu. C’était pas plus mal. Mais je commençais surtout à me dire qu’il était temps que je mange quelque chose, si je voulais pas finir sur le cul à 21h.

On est allés souper. Sur une terrasse. C’était bon et beau.

On s’est commandé un pichet de bière. J’avais pas le goût de penser.

On parlait de n’importe quoi. De nos amis dépressifs qu’on ne peut plus sentir, de la vie, du travail, de combien ça nous fait chier de travailler pour quelqu'un d’autre. Et de toutes ces choses dont on parle quand c’est facile parler avec quelqu’un.

Il a payé pour moi. J’ai trouvé ça cute.

En sortant du resto il me dit : on fait quoi? Veux-tu une crème glacée? J’ai aussi du vin chez moi.

J’étais bien, j’ai dit : on peut aller prendre un verre chez toi.

Je sais même plus s’il a eu le temps d’ouvrir la bouteille.

Il m’a embrassé. M’a dit qu’il était content que je sois là. Que si je voulais dormir chez lui, c’était correct, il avait de la place dans son divan.

Normalement j’aurais pas trouvé ça drôle mais là, presque.

On s’est frenchés dans toutes les pièces de son appartement.

C’était vraiment plus le fun que j’aurais espéré.

J’ai pas dormi. Lui non plus.

À matin je suis partie en retard pour le bureau. Et je suis arrivée avec mon linge de la veille. Moyennement approprié.

J’ai décidé de laisser aller et de voir ce qu’il va se passer.

J’essaye fort fort de pas penser à Simon, surtout.



Amie Parfaite m’appelle. Elle me dit qu’elle a croisé Gabriel aux yeux noisette l’autre soir et qu’ils ont parlé un peu. (De moi.) Elle veut pas s’en mêler mais me dit qu’il a un peu de misère à me suivre.

Join the club, que je dis.

En tout cas si jamais tu veux le revoir, lui, il t’aime bien.

Est-ce que j’ai parlé de Simon à Amie Parfaite? La première fois, oui. Jusqu’au frenchage dans le divan au party. Ça, elle sait. Elle m’a remonté le moral après. Mais le reste. Pas sûre que je lui en ai parlé. Pas sûre que je vais lui en parler.

Ça me tente pas d’entendre ses conseils pour gens zen qui attirent le bonheur.

Je sais pas quoi faire avec Gab.

Objectivement, il est parfait.
Et moi je cours après l’autre taré.
Ça finira mal, c’est clair.

Mais elle me disent toutes de lui laisser une chance. Que je serai peut-être charmée malgré moi.

Ok je vais l’appeler. Je vais lui laisser une chance. Une.

Je veux pas le niaiser non plus. Tsé.



S’il pédale pas, je fais quoi?

Sérieux là.

Ça fait deux, trois jours. Il m’a pas encore appelée. Je commence à avoir plus qu’étiré mes chances et je pense même que j’abuse.

D’habitude j’aurais arrêté bien avant.

Mais je suis sûre qu’il m’aime bien. Même si peut-être qu’il le sait pas encore…

Il va freaker raide hen si je l’appelle/débarque chez lui/à son bar/dans un autre de ses shows, non?

Pourquoi, pourquoi c’est compliqué de même?

Pèlerinage en des terres éloignées



Sur MySpace j’ai trouvé la date de son prochain show. C’était hier, dans une ville de région perdue. En banlieue mettons. Avant d’y aller, sur la carte, j’étais pas trop sûre elle était où, cette ville-là. Mes excuses de citadine à tous ceux qui n’habitent pas l’île.

En tout cas. Je traîne Karine de force. Elle a une auto, pas moi. Et elle aime bien Antoine, qui sera peut-être là, qui sait?

La salle est tout petite. Dans un moulin, ou quelque chose du genre. On est arrivées trop tôt. Il y a ceux qu’on imagine avoir organisé le show, et trois autres filles qui ont l’air d’être leurs amies.

Et nous deux. On clashe.

On se prend une bière et on va s’installer au fond. Remarque, il y a pas vraiment de fond. Je cale ma bière et je vais en acheter une autre. Il me faire boire ce garçon. Et il est même pas encore arrivé.

Il doit bien se passer une demi-heure avant que les gens commencent à arriver. Puis, lui. Je sais pas s’il m’a vu. Il devait pas s’attendre à me voir là. J’ai regardé ailleurs quand il est arrivé. Épaisse. J’ai regretté d’être venue dès que je l’ai vu. Il va tellement me trouver mongole. Estie de stalkeuse. C’est maintenant que j’aimerais avoir quelque chose de brillant à dire.

J’aimerais qu’il pense pas que je suis une groupie obsédée. J’aimerais vraiment ça. Mais il a le don de toujours faire sortir le pire de moi.

Il me voit. Je dois être rouge-mauve. Au moins, il fait noir.

Il vient me parler. Je capote tellement que j’arrive pas à bouger. Ni à sourire. Karine disparaît aux toilettes. J’aimerais mieux être n’importe où ailleurs. Pourquoi je fais toujours les pires choses?

-       Je savais pas que t’habitais dans le coin.
-       C’est que j’encourage le tourisme en région éloignée.
-       Ok… Ça va?
-       Oui. Je pense que ton répondeur est fucké.
-       Heu… Tu sais So
-       C’t’une joke. Je suis venue parce que j’aime ce que tu joues. J’aime les road trips niaiseux même si c’est en banlieue. J’aime les surprises. J’ai appris cet après-midi par hasard que tu faisais un show et je suis venue. Pas réfléchi plus que ça. Si tu veux pas me parler, c’est correct. Si tu veux me parler, c’est correct aussi. Si tu veux aller te cacher backstage et te pousser en courant à la fin du show pour être sûr de plus jamais me revoir, je vais m’en remettre. T’as juste à me le dire là, ça va être plus simple. Je vais arrêter.
-       Es-tu toujours intense de même?

Au moins, je l’ai fait rire.

Il s’est assis. Karine est pas revenue. On a jasé jasé. Pris une bière ensemble. Il y a eu les étincelles dans les yeux. Les deux. Je suis pas folle. On peut pas se tromper sur ces trucs-là. (Ok, on peut.)

Puis, il devait aller se préparer, pour jouer.

Karine est réapparue. Et moi j’étais dans les vapes.

Au milieu de son spectacle, il a dit : celle-là est pour toi, Sophie.

J’ai failli m’évanouir. Heureuse heureuse sourire bonheur je t’aime le sais-tu?

Juste avant que ça finisse j’ai dit à Karine, on part maintenant.

-       T’es folle?
-       Il faut qu’on parte maintenant. Je serai jamais capable si tu me traînes pas dehors tout de suite. Envoye on s'en va.
-       Ça sert à rien que je te dise comment je te trouve weird ce soir?
-       Non ça sert à rien. Qu’il pédale un peu le beau Simon.

On est parties. Sans qu’il puisse me courir après avec le vent dans les cheveux jusqu’à ce qu’on frenche comme des fous.

Et j’ai tellement rêvé…