Un faux post



Dans le sens de pas un post Fuck-you-Francis-le-blogue-sans-rancune-vraiment. Un post qui ne devrait pas être ici. Mais qui est là pareil. C’est de sa faute à lui. Et de sa faute à elle. Et du Tag des boulamites. Ressortir un vieux texte à prétention littéraire et le recopier avec un minimum d'explications contextuelles, pour le plus grand plaisir de tous et toutes.

J’avais dix-huit ans. Dix-neuf peut-être. Je surveillais un entrepôt vide plein de poussière. En haut, des gars construisaient un studio de son. Et moi je passais mes journées assise, dans les marches, à regarder le mur où y’avait rien à regarder et des fois par la fenêtre aussi. Il y avait un garage avec une pancarte devant. C’est ça que je voyais. C’était au coin de Papineau Saint-Gregoire. Ça doit être encore là mais moi j’y vais plus. Pas souvent en tout cas.

Des fois j’écrivais à une de mes amies qui faisait du chain photocopiage dans un grand bureau avec des gens importants. Elle classait des classeurs aussi. On s’envoyait des lettres. Des vraies, avec des timbres dessus.

C’est un extrait de lettre que je copie ici. Je vous épargne le pire – ou le meilleur -  et la plupart des jokes sur la lutte des classes, la banlieue et l’amour. (Ah, le Cégep.)

Ça va comme suit, et je sais même pas quoi en dire. Ouch? Ça s’appelle Les Chroniques de Papineauville (tsé tu fais dans l’original ou pas) :

Première partie, pseuso-lyrique

Le derrière enfoncé dans les marches d’escaliers, les yeux au loin, mâchouillant les ongles sales de ses doigts rêches, elle regardait le train passer.  C’est le cas de le dire. L’interminable suite des wagons cargo défilait lentement devant ses yeux.  Monotones et fades, ils lui rappelaient sans pitié la récente tournure qu’avait prise son existence.

La routine!

Elle se rappelait mélancoliquement l’époque pas si lointaine où son existence comportait encore quelques surprises.  Trop de temps pour penser qu’elle se dit.  La journée à tourner en rond dans sa grande cage de béton, à essayer de comprendre où le temps disparaît. […] Lentement écrasée par la poussière ambiante, elle cherchait une solution, avant que l’énergie ne vienne à manquer, les convictions à s’effriter, avant que son cul ne laisse définitivement une marque sur le palier d’escalier, ou que l’endroit ou son dos s’appuyait sur le mur ne laisse une marque plus foncée, contrastant la fine poussière qui s’accumulait sur le mur.

Deuxième partie : Le Royaume de Papineauville

[…]  Pendant que je rigole en voyant les passants se regarder dans les vitres miroir, ignorants comme de raison qu’ils ne sont pas seuls, aveuglés un instant par le syndrome du toupet-dans-les-airs ou du mascara-qui-fait-des-mottons, je constate que je règne sur un royaume. 

Un royaume de six colonnes,  seize fenêtres (miroir!), une porte de garage et deux portes simples, de même qu’un plancher de béton nouvellement sablé, un plafond maintenant beige, une poubelle, quelques planches de bois et un tas de ferraille, où malheureusement, nulle âme ne vive.  Je possède, par contre, un trône de quatre marches encerclé par de branlants garde-fous poussiéreux.

 […]

Heureusement, nous entretenions de très bonnes connexions avec le pays voisin, En Haut des Marches, qui s’était personnellement donné le mandat de me désennuyer lorsque mes fonctions de pouvoir ne suffisaient pas à me tenir occupée toute la journée.  Je fis donc la connaissance du maître De la Perceuse, donc je devins très vite l’apprentie, du duc De l’Improductivité bricoleuse, qui était, par contre, 6e dam, trois petites barres dans l’art du PR, du téléphone sur l’oreille et des tites jokes à clin d’œil.  Y vivait aussi le grand sage qui buvait beaucoup de café (que je tenais d’ailleurs en partie responsable des incessantes visites de Buffet Mobile), ainsi que deux subalternes de moindre importance hiérarchique, subissant la plupart des injustice réservées à la jeunesse, dont la plus frustrante est surtout de se faire de se faire déléguer le travail dont personne ne veut.



2 commentaires:

Amélie a dit…

(J'ai persisté, j'ai persisté.)
Sérieux, c'est pas si pire!
Ce que je trouve le plus délicieux, je pense, c'est le ton comme profondément DÉSABUSÉ de la fille de dix-huit qui se rappelle mélancoliquement l’époque pas si lointaine où son existence comportait encore quelques surprises -- c'est beau, le mélodramatisme.

Josie a dit…

J'adore ton style d'écriture!
Quand j'étais ado, c'était pas mal plus noir que ça! hehe

Enregistrer un commentaire