Freak show



Il y avait un party d’halloween chez Marc. Karine m’avait invité. Pas lui.

Me pointe-z’y-je? Ne me pointe-z’y-je pas?

J’haïs ça les partys d’halloween. J’haïs ça me déguiser laitte être dans une soirée comme toutes les autres salut t’es déguisée en sirène cochone pis toi en gogoboy wow génial c’est original moi je me suis déguisée en poussin. Pourquoi? Je sais pas il restait plus de costume de bitch à la pharmacie.

Il était là. Normal tu vas me dire c’était chez lui. En arrivant j’ai pensé au moins je sais déjà où sont les toilettes j’aurai pas besoin de chercher le bain à bières.

Mais l’autre aussi était là. J’ai comme espéré qu’elle ne me reconnaîtrait pas qu’elle avait oublié qu’est-ce que j’étais venue foutre ici aussi?

Elle me lançait des dards avec les yeux. Je sais pas si c’était vrai. Je suis pas allée lui demander pour vérifier.

J’essayais de me cacher dans mon suit de poussin chaque fois que je la croisais. Des fois je le regardais un peu, lui. J’essayais de comprendre quelque chose à tout ça.

On s’est pas trop parlés de la soirée. J’aurais dû partir avant. Genre quand je suis arrivée. J’aurais dû partir tout de suite.

Mais je suis restée.

À la fin il est venu me voir. M’a dit qu’il était content que je sois là. M’a prise dans ses bras. On devait être saouls.
  •    Elle? Es-tu contente?
  •   C’est fini, qu’il dit.
Mais en disant ça y’avait comme des points de suspension à la fin de sa phrase. Quelque chose comme c’est fini mais je peux quand même pas venir te parler si elle est là c’est un peu pour ça que je t’avais pas invitée ici tu sais mais ailleurs un autre soir pourquoi tu m’as pas répondu avant de te pointer ça aurait été moins malaisant.

Il y avait quelque chose comme ça dans ses points de suspension.

Hit and run



Je me trouve épaisse rare. Je me voyais déjà avec lui.

On a passé quoi, deux nuits ensemble? Moi je pense à nous deux.

C’est même pas que ça me tente tant que ça. Ça me tente, c’est pas ce que je veux dire. Mais déjà je me dis bon quand est-ce qu’on se revoie? Avant même de me demander si je veux le revoir. Si c’est arrivé une fois, puis deux. Si t’as travaillé si fort pour que ça arrive. Tu dois bien vouloir que ça arrive encore.

Ok alors.

Je veux bien.

T’es content là?

Pourquoi t’as disparu dans le décor d’abord?

Scandale!


Marc m’a textée.

« Veux-tu aller prendre une bière un de ces quatre? »

Peux pas croire. Mais vraiment pas croire, qu’il a eu le guts de faire ça.

Il me prend pour qui crisse?

Et le pire, je suis pas trop sûre de ce que je vais faire.

Nowhere



Hier je suis allée prendre une grande marche vers nulle part. Je filais drôle. Comme dans drôle trop de choses en même temps plein de questions et surtout trop de rien.

Je me suis arrêtée dans un café. C’était plein d’étudiants avec des faces fatiguées qui étudient fort toute la nuit. Pourquoi? Je sais pas j’ai jamais compris. Peut-être qu’ils font jamais rien le restant du temps ou qu’il sont vraiment – vraiment – studieux. Il doit y en avoir des comme ça.

En tout cas il y avait un gars avec une tuque molle et une chemise à carreaux des grosses lunettes carrées et je me suis demandée si j’avais marché jusqu’au Mile End sans m’en rendre compte ou si c’était un milendeux qui s’était perdu ou si c’était tellement 2010 ou peut-être même 2009 que c’était rendu rétro. Et qu’en fait il était encore plus cool que les hipsters.

En tout cas je sais pas pourquoi je pensais à ça. C’est pas vraiment lui qui m’intéressait. Il m’intriguait j’aurais aimé aller lui poser plein de questions niaiseuses sur le pourquoi de plein d’affaires mais je suis pas allée.

À la place je me suis levée et je suis allée au bar de danseuses en face. Fouille-moi pourquoi.

J’étais jamais allée.

Je regardais pis je me disais que trop de lisse, c’était comme pas assez. J’ai trouvé ça frette. Mécanique, frette et calculé.

Tu finis par plus savoir ce qui est propre pis ce qui est sale.

Ça excite qui? Les autres, ils regardaient même pas vraiment.

J’haïs les chiens



Je voulais pas vous dire mais je regardais mon téléphone toutes les vingt secondes depuis l’autre jour juste pour voir si j’avais pas manqué un appel, ou un texto, de Gabriel-aux-yeux-noisette. Peut-être que j’avais oublié mon téléphone en mode réunion et que j’avais pas entendu? Faudrait vérifier une autre fois.

Pareil avec les courriels. Je suis capable de faire refresh quarante fois en ligne. Juste au cas où Gmail se serait trompé. (Je sais Xavier Dolan m’a volé le punch – mais je faisais ça avant le film.)

Ça veut dire qu’il m’intéresse, alors?

Mettons.

Mettons aussi que dès qu’il y a possibilité que quelque chose ait une suite je me mets à attendre. Comme une épaisse.

Des fois même je reste chez nous, au cas où le gars appellerait. Comme si ça servait à quelque chose avec les cellulaires. Mon corps le sait pas, lui, que la technologie a évolué et il se met en mode attente.

Je pense que j’essaye aussi fort surtout pour pas perdre. Pas tant que ça parce que je veux le gars. Et je me déteste de penser ça. Non non non. C’est vrai et profond et il faut bien commencer quelque part. Mais des fois, quand même, on veut pas être le premier à perdre la face. Comme quand tu joues à la kermesse et que t’essayes d’attraper un toutou laid avec une grosse pince qui marche pas. Tu le veux pas vraiment, le toutou. Mais tu veux gagner pareil.

Anyway. Il a rappelé. J’étais contente quand même dans le fond du ventre.

Il s’est pas excusé. Une chance. Le dernier qui s’excusait trop ça avait vraiment mal fini finalement.

C’est là qu’il me dit qu’en fait il est devant chez moi. Ben voyons tu me niaises haha très drôle non je suis là pour vrai.

J’ouvre la porte. Il est là.

Avec un chien.

-       -- Salut?
-      - - Sophie. Viens-tu prendre une marche avec nous?
-       - -T’as un chien? Pis tu le fais marcher jusqu’ici?
-       -- C’est le chien de mon ami qui habite pas loin. Il est parti en vacances pour une semaine. Je m’en occupe. Je venais le chercher et tant qu’à être dans le coin je me suis dit que t’étais peut-être chez toi.
-       -- Heu ok.

Je savais pas si on aurait dû s’embrasser ou pas.

On est retournés chez lui. Tous les trois ensemble. Il m’a demandé si je voulais souper avec lui.

On a laissé le chien là et on est partis à l’épicerie.

Quand on est revenus, il avait tout saccagé.

Le chien avait saccagé toutes ses plantes et il y en avait partout dans l’appartement. De la terre et des traces de pattes de chien partout. Même dans son lit.

Ça m’a turnée off solide. Déjà que j’haïs ça, les chiens. Au moins il est parti à rire. Il me dit : on va-tu au resto?

On a laissé Sultan (ça c’est le chien) au milieu de ses décombres et on est partis manger.

Quand on avait rien à dire on parlait du chien. Ça nous donnait une raison pour se sourire et être découragés ensemble.

Pis finalement on s’est retapé toute la marche de la ville dans l’autre sens et on est allés dormir chez moi.




Depuis le 2 juillet, jour du lendemain du bataclan de déménagement de plein de nouvelles faces sur ma rue, je croise un grand brun le matin en allant travailler. Il attend l’autobus. Moi, je passe à côté de lui en vélo.

Il est beau.

Des jours je me dis que j’ai hâte à l’hiver. Que je pourrais même prendre l’autobus un matin cette semaine comme ça pour rien juste pour m’asseoir en face de lui et le regarder ou peut-être même à côté et me frotter le bras dessus parce qu’il y aurait beaucoup de monde dans l’autobus et que ça ne serait pas par exprès.

Mais ça me fait vraiment trop chier, l’autobus. Et j’aime trop mon vélo.

Ce matin, je lui ai souri.

Je sais pas s’il m’a vue.

Qu’est-ce que j’ai pas compris encore?



J’ai pensé à Gabriel ce matin. Comme dans penser-cute-à-quelqu’un et je me suis dit que j’aimerais le revoir.

Je l’ai appelé.
Il a répondu.

- Tu fais quoi, là? Veux-tu faire quelque chose?

Il pouvait pas. Va me rappeler.

Pis là j’ai dit : C’était cool l’autre soir.

Il a dit ouais, ouais.

Je cours, tu cours, il court pas



Gabriel il a pas rappelé. Et c’est à Simon que je pense.

Plus je pense pas à Gab, plus il y a de chances qu’il me coure après. Plus je pense à Simon plus il y a de chances que je me monte une grosse bulle pas d’air dans la tête et qu’elle explose pleine de confettis niaiseux quand je vais le revoir et que je dise pas ce qu’il faut et que je tombe tout croche en bas de mes pieds quand je vais le voir juste pour le faire freaker un peu plus et qu’il parte en courant en se disant quoi? je sais pas je comprends jamais rien aux garçons. Mais rien pour aider mon histoire en tout cas c’est certain.

Si je pense à rien je m’ennuie.

Si je pense à Gab je risque de croire des trucs bizarres comme il serait temps que je grandisse et que je m’investisse pour vrai encore même si j’ai déjà essayé tout ça et que le quotidien plate avait fini par me tuer et je rêve d’amour pas possible qui déracine avec des gars qui veulent pas. Et puis juste des chocolats chauds sur le bord du canal aussi ça serait pas mal.

Tu sais Simon, on n’est même pas obligés de frencher si tu veux pas.