Provoquer le destin : semi-check.



Salut.

J’ai comme sursauté en entendant ça je l’avais pas vu. Étonnant d’habitude j’ai un radar à lui. Mais je devais avoir la tête ailleurs. Le thé au jasmin ou pas? En sachet ou en feuilles? De quoi m’occuper pendant des heures de délibération.

Eille! Salut. C’est drôle on se croise partout. Ben oui hen. Plein de coïncidences la vie. C’est pas comme s’il y avait d’autres épiceries dans le coin mais quand même. 

Et il a continué son chemin. Juste comme ça. 

Je suis restée pétrifiée. Attends, non!

J’ai fait le tour des allées comme une damnée. Il avait disparu envolé pas là est-ce que j’ai halluciné? Bâtard il est temps que je trouve quelqu’un à frencher.

Je l’ai retrouvé dans le frigo à bière. J’ai attendu voire ce qu’il allait choisir – est-ce que ça vaut la peine de continuer à le trouver cute? Je suis snob de même. Ça allait.

Je voulais te dire, je te trouve beau depuis la première fois que je t’ai vu.

Dans le frette du frigo à bière, à côté du gros qui doit jamais sortir là. C’était épique.

Et je suis partie. Lui ai pas laissé le temps de répondre.

J’ai abandonné mon épicerie dans un coin et je suis partie à la course.




  • Tu fais quoi dans vie hen? À part travailler ici?
  • J’écris.
  • Ah oui, c’est drôle.
  • Pourquoi?
  • Pour rien juste de même.
  • Tu penses que j’ai pas l’air d’écrire?
  • Non non c’est pas ça. Vraiment pas.
  • Ben quoi?
  • Rien. Rien.
  • QUOI?
  • J’ai toujours trouvé ça sexy, un gars qui écrit.

Je lui ai pas dit, tu sais, pas autant qu’un musicien mais quand même c’est pas pire.

Et puis l’imaginer en train d’écrire des poèmes et d’avoir quelque chose comme une sensibilité, je sais pas. Ça m'a fait sourire. Je trouve ça adorable et impossible à croire.

Peut-être que c’est pas des poèmes, qu’il écrit.


(citation de Bukowski, pour les intéressés)


Si seulement c’était un rêve



Des fois je pense à Simon. Je me réveille au milieu de la nuit. Les soirs quand je m’endors pas encore. Et je pense à tout ce qui n'a pas été. Qui aurait pu être.

Pourquoi c’est pas arrivé?


De la culture et de l’élévation de l’âme



Amie Parfaite m’invite à un vernissage. Évidemment, personne va là pour regarder ce qu’il y a sur les murs.

On y va pour 1) le vin gratuit, 2) regarder qui est venu et 3) faire du name-dropping.

Je ne suis pas très bonne avec le name dropping. 

J’ai regardé j’ai regardé et j’ai pas trouvé. J’ai fait le tour de toutes les lunettes et de toutes les bretelles. De toutes les coupes de cheveux aussi.

J’ai regardé partout et j’ai pas encore trouvé l’homme de ma vie.

J’ai bu du vin gratuit.

J’ai vu une madame avec un chapeau de plumes. C’était pas Francine Grimaldi. Ça fait toujours ça de pris.


Mauvais bar



J’ai appelé Geneviève. Viens-t-en on s’en va se saouler.

Où ça? N’importe où tant que c’est pas rouge, qu’il y a pas de ti-cœurs ni de Cupidons, pas de bracelets pour trouver l’âme sœur, rien que te rappelle que toé, t’es pas en couple pis que eux, ils sont heureux dans leur gros bonheur sale. Un fondue au chocolat, beubé? Juste s’il y a des fraises et des litchis.

On a choisi les petites rues. On s’est dit que ça risquait moins d’être envahi. Un bar de quartier au coin de no name et cul-de-sac.

  • Je pense que je vais te prendre un shooter.
  • Deux.
  • De quoi?
  • Si c’est pas du Goldschläger ça va aller.

Gen se met à zieuter les deux gars à la table d’à-côté. Dans mon dos en fait. Moi, je les voyais pas. 

  • On est pas supposées être sur un raid anti Saint-Valentin? 
  • Ça veut-tu dire qu’on n’a pas le droit de cruiser?
  • J’imagine que non.

Elle me dit qu’il y en a un qui arrête pas de me regarder.

  • Il arrête pas de te regarder, je te dis.
  • Ben voyons il me voit même pas. Il peut pas trouver mon dos sexy à ce point là.

Je me retourne quand même.

  • Sophie!

C’était Gabriel aux yeux noisette. Ah ben shit. Malaise. Je fais quoi.

Je me suis levée. Parce que je suis polie. Deux becs salut ça va super et toi oui merveilleux. Et puis quoi dire? Tu m’as déjà gâché ma soirée, juste parce que t’es là.

Mais Gen elle a décidé qu’elle voyait rien aller de ça. Elle s’était tiré une chaise, assise à côté de l’autre. Pourquoi elle me met toujours dans des situations inconfortables?

  • Qu’est-ce tu fais de bon?
  • De la marde avec la bullshit on va quand même pas faire semblant qu’on est contents de se voir.
  • Ben moi j’suis content.
  • Il s’est passé quoi entre nous deux? Pourquoi t’es disparu? Je t’ai-tu fait quelque chose?
  • Hum ben heu je suis pas disparu. Tu m’as pas donné de nouvelles non plus.
  • Me semble que oui.
  • Ah ouais? Je sais pas. Je me souviens plus trop. Tu sais c’est que… Eille ça m’a pris trois jours nettoyer l’appart à cause de Sultan… T’avais pas l’air de trop savoir ce que tu voulais… Je sais pas j’ai juste. Ouais je sais pas. C’est comme ça.

Il a dû passer une après l’autre toutes les mimiques de face qu’il connaissait. Gars qui sait pas où se mettre version 1, 2, 3, 4. Gars qui fait semblant d’avoir un trou de mémoire version 1, 2, 3, 12. Gars qui fait semblant de pas être responsable et de pas comprendre pourquoi on est fâchée version 98, 101, 34. Et ainsi de suite.

  • Regarde je m’en fous au fond. C’est loin tout ça. Ce que je sais, c’est que j’ai pas le goût de te parler et que j’aurais mieux aimé jamais te revoir. Bye.


Des pneus plus tendres



C’est un titre volé à la Presse. Je pense que c’est le titre le plus priceless que j’ai jamais vu. Vous allez me dire, lis le journal plus souvent, mais bon.

C’est du sérieux, quand même, les pneus. Faut pas penser qu’ils ont pas d’émotions. Que c’est des durs-à-cuire. Qu’ils seront toujours prêts sur le piton disponible let’s go baby on va où aujourd’hui? Qu’on peut les utiliser comme ça sans rien leur donner en retour. Il y en a qui frenchent leur char depuis longtemps déjà mais les pneus. Y avez-vous pensé, aux pneus? Le pneu moderne veut se faire aimer. Il ne le dira pas très fort. Peut-être qu’il fera rien que le chuchoter mais il le pense pareil. Bang bang use and throw away. C’est fini ça. Écoutez-le. Rassurez-le.

Sinon peut-être qu’il va vous abandonner pour rien dans le milieu d’un tournant. Je sais pas mais moi si j’étais vous à ce moment je me dirais et marde j’aurais donc dû faire plus attention à lui.

Un pneu ça se fait flusher à toutes les années pour quelques mois. Ça reste là, fidèle, ça attend le retour du printemps. Ça se fait envoyer à la dompe à tous les quatre ans (j’ai pas d’auto c’est peut-être pas exactement ce timing-là, mais ça doit ressembler à peu près à ça). Et ça attend patiemment que vous reveniez le chercher.

Un jour, le pneu va se fâcher.

Mais d’ici là, moi je les trouve un peu mous déjà, les pneus.

Et on voudrait des pneus plus tendres? Come on, sont déjà assez feluettes comme ça. Aucun sens de l’initiative. Fuck all.



Février d’après toi, c’est-tu un meilleur mois que janvier? Que novembre?

On en a parlé longtemps. Plus de sloche, un peu plus de lumière aussi, mais pas assez. D’habitude il fait froid. Trop froid. Là on n’a pas d’hiver. C’est la Nuit blanche aussi, en février. Mais ça fait longtemps qu’on est tannés d’être emballés dans nos manteaux. On peut se dire que c’est presque fini, que bientôt on va pouvoir ressortir les terrasses. Bref, pas vraiment de conclusion. 

Il y avait deux clans. Comme toujours. Les optimistes et les pessimistes.

C’est sûr que c’est un mois qui fait chier moins longtemps que les autres mais février, c’est aussi le mois de la Saint-Valentin.

Et ça, c’est assez pour me faire détester février au complet.


Comfort food



Je suis arrivée trop de bonne heure. C’est pas mon genre.

Pas dormi de la nuit fait de l’insomnie essayé de compter les papillons – ça marche pas; les moutons non plus. Alors de la marde, je vais aller travailler plus tôt au moins j’aurai l’impression d’avoir pas dormi pour une bonne raison.

J’arrive jamais de bonne heure. Le matin tôt, c’est comme un monde que je connais pas. Je connais la nuit tard. Des fois c’est pas mal à la même heure. Mais t’es de l’autre côté du normal, tu te sens pas vraiment pareille.

7h, dans l’autobus. Fripée même pas pensé à me faire un café. L’autobus est plein. Ils font quoi, les autres?

On m’avait déjà montré le code du système d’alarme. Je l’avais écrit quelque part. Trouve le papier avant que le feu pogne. J’ai les clés. Tout va bien. Je suis prête à être la première au bureau.

Imagine, une journée qui finit à 15h! Ils me croiront jamais.

Mais bon peut-être que vous vous en foutez de mes exploits matinaux. Que vous vous levez tous les matins comme des champions même pas besoin d’en parler.

Michael il est arrivé tôt aussi. Qu’est-ce tu fais là as-tu passé la nuit ici?

  • Toi? Je pensais pas que t’étais du genre matinal.
  • Je suis quel genre, d’après toi?
  • Le genre à arriver fashionably late, et faire filer tous les autres comme des morrons pour avoir fait ce qu’ils devaient faire, pourquoi?
  • Ça t’arrive-tu de pas être baveuse?
  • Heu… J’imagine que oui.
  • As-tu déjeuné?

On a traversé au café en face. Il était encore assez tôt pour avoir un spécial deux pour un sur les œufs-bacon-patates.

  • J’ai pas dormi de la nuit il y a un fou qui me stalke. J’ai un peu couru après mais là j’ai peur d’être toute seule chez moi. Peur qu’il débarque, peur qu’il m’espionne. Peur qu’il ait détourné un satellite de la NASA pour me suivre partout.
  • De quoi tu parles?

Comment je pourrais bien lui expliquer ça, au fait? Je commence où? C’est à cause de Simon toute cette histoire, tu comprends? Il connaît pas Simon. Tu te rappelles des lettres à l’anthrax? Ça risque d’être pas vraiment clair ça non plus, comme entrée en matière.

  • Laisse faire ça, je fais de l’insomnie ces temps-ci. C’est tout.
  • As-tu essayé de lire la Bible?
  • Pardon?
  • Le livre de Job, c’est infaillible pour t’endormir. 

J’ai jamais su pourquoi lui, il était arrivé aussi tôt. J’ai oublié de lui demander. On est repartis dans nos bulles et après, la journée a passé comme un tourbillon.


Message non subliminal



Est-ce qu’on peut se rencontrer? Ça serait drôle me semble.

Ça s’en venait, j’imagine. J’ai hésité longtemps longtemps longtemps. Pourquoi pas? Au pire c’est plate.

Ok.

Une blind date.

C’était la première fois. Tu te pointes au bar, tu sais pas trop qui tu cherches; tu sais pas s’il est déjà arrivé. De quoi il a l’air? Il y a des filles, sûrement, qui auraient demandé une photo, pour être sûres de pas tomber sur un creep. Moi, j’y ai pas pensé. Je me voyais mal : une date? Ok. As-tu une photo? Ah sais-tu finalement je suis occupée tous les soirs de la semaine jusqu’à la fin des temps. De la fin de semaine aussi. Faut que je me fasse sécher les cheveux.

Tu spottes quelqu’un qui regarde autour. Es-tu ma blind date? Que tu dis. Sophie? Ouais.

Et là il y a comme un long moment akward. Pourquoi j’ai dit oui donc?

C’est pas qu’il est laid. Il est pas laid. C’est juste que tsé, c’est vedge.

De quoi on va bien pouvoir parler?

Finalement il a parlé tout le temps. C’était le fun, mais il y avait quelque chose de bizarre.

On parlait d’art, d’imagination, de création. Normalement ça aurait dû être cool. Mais je le sentais moyen. Pas trop tard, après deux bières, j’ai dit que je travaillais tôt le lendemain, que ça avait été bien de le rencontrer. 

Deux becs sur les joues, bye.

Trois jours plus tard je reçois dans la malle une vraie lettre avec un timbre dessus. Pour moi. De lui.

Mais il y avait pas vraiment de lettre.

Il y avait plutôt. J’hésite à vous le dire parce que j’ai freaké raide. Il y avait une feuille avec de la peinture rouge dessus. Vite ça aurait pu avoir l’air d’un dessin d’enfant. Une fusée genre. Mais c’était pas ça. C’était sa queue, trempée dans la peinture, étampée sur la feuille. L’innommable écart entre pensée et action, écrit à côté.

Une photo porno, glissée dans l’enveloppe. Comme si c’était pas déjà assez clair.

FREEEEEEEAK.

Quand c’est moi qui stalke les gens je trouve ça cute, mais pas quand c’est le contraire.

Comment il a pu avoir mon adresse?

Je pense que je vais déménager. Changer d’identité, fermer le blogue, et déménager. (Mais non je fermerai pas le blogue.)

Je veux plus te voir et plus jamais entendre parler de toi! Est-ce que c’est assez clair?

Fin du cyberflirt.